Par PHILIPPE LALLEMENT
1990 – L’immigration
Nous décalons cet article prévu habituellement dans le cadre d’une série sur le thème de « L’Action Française et l’Islam » le mercredi, exceptionnellement à jeudi car l’actualité exige de réagir parfois au plus près des évènements. Mais dès la semaine prochaine nous reviendrons à l’ordre de parution hebdomadaire normal, soit chaque mercredi. Que les lecteurs assidus de cette passionnante étude veuillent bien nous pardonner. (AF)
L’acte principal de la décolonisation « à la française » fut, au début de la décennie 1960, l’indépendance algérienne. Elle était censée nous libérer du poids des efforts considérables faits pour arracher la population musulmane d’Algérie au sous-développement. Trente ans plus tard, en 1990, l’immigration est devenue un poids pour la France. Encore 30 ans, et en 2021, l’islamo-gauchisme menace l’existence même du pays. A chaque étape, les maurrassiens ont voulu définir une issue politique fondée sur la raison.
1990 – L’immigration entre communautarisme et assimilation
Moins d’un siècle après qu’il l’eut exprimée dans un article prophétique lors de l’inauguration de la mosquée de Paris en juillet 1926[1] , l’inquiétude civilisationnelle de Maurras se révèle justifiée. Cependant, en 1960, c’est bien une inquiétude du même ordre qui taraude le général de Gaulle : « Il suffit de passer quelque temps en Algérie pour se rendre compte que le peuple arabe est inassimilable. » Et il ajoutait : « Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! »[2] Il a vu là le motif de l’abandon par la France de l’Algérie. Comment, soixante ans plus tard, alors que nous avons tout perdu en Algérie, pouvons-nous subir la menace démographique et culturelle que l’indépendance algérienne était censée nous éviter ? Manifestement, nous avons perdu sur tous les tableaux.
L’évolution de la Ve République, la dégradation continue, depuis Pompidou, de la qualité des présidents successifs et la médiocrité d’une classe politique aveugle sur les causes et les effets de cette dégradation expliquent, on le sait, la situation. Il faut néanmoins constater que la faute originelle remonte à de Gaulle lui-même, qui avait passé un accord de fait avec ce que nous appelions alors la technobureaucratie – accord perçu et analysé dès le début des années 60 par Pierre Debray[3] . De Gaulle, entouré de technocrates qu’il croyait maîtriser, a favorisé les conditions économiques rendant indispensable l’appel massif à une main d’œuvre sous-payée. Ne pouvant la trouver dans une Europe du sud devenue plus exigeante, ni en Europe de l’Est coincée derrière le Rideau de fer, l’Afrique du Nord, et d’abord l’Algérie, apparaissaient comme un réservoir inépuisable.
En 1990, la France abritait sur le sol métropolitain, selon Michèle Tribalat, plus de 4 millions d’étrangers issus d’une émigration de travail transformée en immigration de peuplement. Le problème le plus grave venait des « beurs », la fameuse génération « Touche pas à mon pote » d’Harlem Désir, avec son idéologie « antiraciste » qui revendiquait délibérément le modèle d’inclusion.
Philippe Lallement,
à suivre la semaine prochaine dans :
1990 – L’intégration communautaire de la « Génération Maurras ».
Pour voir les articles précédents :
1/11 – La laïcité comme nœud gordien
2/11 – Quatre générations actives, porteuse de solutions originales
3/11 – 1930 – La dernière époque coloniale
4/11 – 1960 – La décolonisation
[1] « S’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève… représente une menace pour notre avenir… Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu… » (A.F., 13.7.1926) Cf. la 1ère partie de notre article (NRU n° 63).
[2] Propos rapporté dans C’était de Gaulle (vol. I, 1re partie) d’Alain Peyrefitte, qui permet de se représenter précisément ce que fut, dans cette circonstance, le « machiavélisme » du général.
[3] Dans différents articles d’Aspects de la France et du mensuel l’Ordre français, et dans Stratégie de la révolution nationaliste (1962), texte daté, certes, mais ouvrant des perspectives aujourd’hui encore pénétrantes. Il explicite notamment, à travers sa lecture du Fil de l’épée (1932), la nature du machiavélisme gaullien.