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« Séparatisme » : les catholiques et la France, premiers visés

L’éditorial de François Marcilhac

Le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », qui entre en discussion publique ce lundi 31 janvier à l’Assemblée nationale en première lecture, ne laisse pas d’inquiéter pour nos libertés fondamentales, d’une part, pour notre identité nationale d’autre part, sous prétexte de lutter contre le séparatisme islamiste. François de Rugy, en commission spéciale chargée d’instruire le texte, a vendu la mèche : les catholiques sont les premiers visés, si bien que nos évêques s’inquiètent légitimement d’une instrumentalisation du terrorisme islamique pour attenter à la liberté du culte catholique et au droit, pour des parents, de donner à leurs enfants une instruction conforme à leurs convictions chrétiennes. La liberté d’instruction est en effet dans la ligne de mire de Macron, Blanquer étant chargé d’achever le travail commencé par Bel-Kacem en 2016. L’article 22 prévoit ainsi la fermeture administrative des établissements hors contrat.

Qu’on se rassure, d’ailleurs : avec Macron, dans le droit fil de Hollande, la République a définitivement pris la place de la France. La défense de sa culture qui, il est vrai, n’existe pas, ou celle de son identité, qui n’existe pas davantage, n’intéresse pas un pays légal mondialiste qui ne pense qu’en termes idéologiques. Nous écrivions dans notre premier éditorial de l’année 2020 : « Car l’essentiel est là : dans la prise de conscience progressive par nos concitoyens de la sécession du pays légal et de la faillite, subséquente, de nos institutions à assurer le bien commun. » Si la prise de conscience du pays réel est encore trop progressive à notre goût, la sécession du pays légal, elle, est devenue complète, comme l’indique cette indifférence totale à défendre la civilisation française face à l’agression islamiste. Le mot « France » n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois dans l’exposé des motifs du texte.

LA RÉPUBLIQUE : UN PROJET INDÉFINI, JAMAIS ACHEVÉ

Concept évanescent, avons-nous dit, à propos de la République : l’exposé des motifs non seulement le confirme, mais le revendique. On nous excusera de reproduire une logorrhée qui serait ridicule si elle n’apportait pas la preuve que le pouvoir en place, dans la suite des grands ancêtres, considère la république comme une religion.

« Notre République est notre bien commun. » Merci pour le pléonasme ! Respublica, en latin, signifiant « Bien commun » … Et c’est en ce sens que, pour Bodin, la monarchie royale était précisément l’expression la plus achevée de la république. Ce qu’ignorent évidemment nos républicanistes rédacteurs de la prose qui suit, pour laquelle la république, ce « bien commun » est tout autre chose ! Car tout déraille aussitôt : « Elle s’est imposée » — ça, c’est vrai ! — « à travers les vicissitudes et les soubresauts de l’histoire nationale parce qu’elle représente bien davantage qu’une simple modalité d’organisation des pouvoirs : elle est un projet. » Et voilà bien ce qui nous inquiète : en quoi la république se permet-elle d’être un « projet » ? Et de poursuivre : « Mais ce projet est exigeant ; la République demande une adhésion de tous les citoyens qui en composent le corps. » : Vocabulaire religieux… inspiré du christianisme. Et vocabulaire militant, inspiré des idéologies séculaires. La république, en tout cas, est une église, dont les citoyens sont le corps, et une église à laquelle il est impossible d’échapper. Ce qui s’appelle une secte. « Elle vit par l’ambition que chacun des Français désire lui donner. Et c’est par cette ambition qu’elle se dépasse elle‑même. » Ah, transcendance (humaine, trop humaine), quand tu nous tiens !  « Ainsi que le disait le Président de la République » — la pensée divine de Jupiter nous est livrée — « à l’occasion de la célébration du 150ème anniversaire de la proclamation de la République le 4 septembre 2020 : « la République est une volonté jamais achevée, toujours à reconquérir » ». Terrible aveu :  la république, pour Macron, est bien un millénarisme, une de ces religions séculaires en cours perpétuel d’achèvement et qui doit, de ce fait, exiger toujours davantage de ses adeptes plus ou moins contraints, les citoyens que nous sommes, les « Malgré-nous » de la République. Telle fut la révolution française, jamais achevée ; telle fut la révolution bolchevique, jamais achevée ; telle fut la révolution nationale-socialiste, jamais achevée ; telle est la république, jamais achevée, puisque projet indéfini, de ce fait toujours menacé puisque toujours incertain, toujours « à reconquérir », en premier lieu contre les Français eux-mêmes, toujours trop français, jamais encore suffisamment républicains, qui doivent le devenir chaque jour davantage en se délestant du fardeau de leur culture, de leurs habitudes ancestrales, de leur identité, voire de leur langue.

UNE RÉÉCRITURE DE L’HISTOIRE

Le danger islamiste est dès lors perçu comme menaçant non pas une civilisation séculaire, une nation dont l’histoire et la culture sont si riches, un peuple libre à la forte identité, mais un projet indéfini. Il est vrai que, poursuit l’exposé des motifs : « Notre République s’est construite sur des fondations solides, des fondements intangibles pour l’ensemble des Français : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’éducation, la laïcité. » On ne peut s’empêcher de penser à ce verdict du philosophe Pierre Manent : « La laïcité est un dispositif de gouvernement qui n’épuise pas le sens de la vie commune, et qui d’ailleurs en donne une représentation abstraite et fort pauvre. On n’habite pas une séparation. […] Lorsqu’on nous demande d’adhérer aux valeurs de la République, on ne nous demande rien ou on ne nous demande que des abstentions. » (Situation de la France)

C’est pourquoi, comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, l’exposé des motifs réécrit l’histoire : « Tout au long de son histoire, notre République a su être à la fois intransigeante sur les principes et généreuse dans son action. Au fil des ans, patiemment, elle a rassemblé tout un peuple et, parmi ce peuple, mêmes [sic] ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

Oublié le premier grand génocide de l’ère moderne, en Vendée, oubliés les mariages républicains de Nantes entre prêtres réfractaires et religieuses célébrés dans la Loire, quand ils n’étaient pas déportés, oubliée Lyon « Ville affranchie », oublié le massacre des ouvriers parisiens au printemps 1848 et celui des communards au printemps 1871, oubliée l’éradication des langues régionales sous la IIIe république (comparées à des crachats, puisqu’il était interdit aux écoliers à la fois de parler « patois » et de cracher en classe), oublié l’exil forcé des religieux et des religieuses sous la IIIe République… Oui : « Tout au long de son histoire, notre République a su être à la fois intransigeante sur les principes et généreuse dans son action… » Oui : « Au fil des ans, patiemment » — « l’adjectif est admirablement bien choisi — « elle a rassemblé tout un peuple et, parmi ce peuple, même ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

VERS DES PRÊTRES ASSERMENTÉS ?

Faute de cibler un ennemi précis, l’islamisme, par peur d’amalgamer tous les musulmans dans cette réprobation, Macron a, par intérêt bien compris, préféré faire un autre amalgame : celle des religions, comme si « la » religion, cela existait, comme si, surtout, le catholicisme, qui, à la fois, a présidé à la naissance de notre pays et est au fondement de la notion même d’une saine laïcité, pouvait être comparé aux dérives extrémistes d’une religion étrangère à notre culture et à notre identité. Mais il avait prévenu, aux Bernardins : le seul avenir possible de l’église catholique en France, c’est celui d’une ONG. Cette loi l’y aidera, à coup sûr, en prévoyant des mesures qui pourront être dirigées contre les catholiques — comme, pour un juge, la possibilité d’interdire à un fidèle de se rendre à la messe (article 42 du projet de loi), comme si une obligation religieuse (la messe dominicale) pouvait être du ressort d’un juge. Les traditionnalistes seront évidemment visés, dans un premier temps, amalgamés aux islamistes, avant que — on est toujours le traditionnaliste de quelqu’un —, l’ensemble des catholiques ne le soient. La possible fermeture administrative des églises (article 44) y aidera grandement, comme les nouvelles contraintes financières et administratives sur les associations cultuelles. C’est la loi de 1905, qui est visée, de même que le concordat d’Alsace-Moselle, qui se trouve menacé. Le nouveau monde macronien vise-t-il, à travers l’obligation permanente de chanter les louanges de la trinité républicaine « Liberté, égalité, fraternité », l’instauration d’une nouvelle église officielle, comme sous la révolution, avec, bientôt, l’obligation pour les prêtes de prêter serment à la République ? C’est du moins la logique du texte.

QUEL GRAND REMPLACEMENT ?

Quant à tous les articles ciblant l’instruction à la maison ou les écoles hors contrat (articles 21 et suivants), ils achèvent la besogne de Jules Ferry : faire des petits Français des républicains soumis à l’ordre établi. Car l’exposé des motifs, encore lui, l’avoue sans ambages : la république a toujours pensé l’école comme un lieu de propagande, avec ses escadrons formés par les hussards noirs : « Au cœur de la promesse républicaine, l’école est le lieu des apprentissages fondamentaux et de la sociabilité, où les enfants font l’expérience des valeurs de la République. » Dommage que cette conception de l’école, dans laquelle les apprentissages des savoirs fondamentaux deviennent de plus en plus anecdotique au profit de l’endoctrinement sociétal, nous place dans les derniers rangs des évaluations internationales. Encore une réussite du projet républicain…

Inefficace et dangereux : tel paraît déjà ce projet de loi. Inefficace contre l’islamisme qui gangrène les quartiers immigrés et impose de plus en plus sa loi dans l’ensemble du pays ; dangereux pour nos libertés fondamentales et notre identité. La « République » cherche à prendre définitivement la place du peuple français. Car le seul vrai grand remplacement que nous connaissions, c’est bien celui de la France par la République comme « projet » indéfini — la forme politique du nihilisme. Tout le reste n’en est que la conséquence.

François Marcilhac