Alors même qu’Emmanuel Macron a pu, dans les premiers temps de son élection, donner l’impression de restaurer une certaine sacralité à la fonction présidentielle, quitte à faire dire à certains qu’elle eût pu s’approcher d’une conception quasi monarchique de l’exercice de l’Etat, sa manière d’aborder le réel l’éloigne durablement de la hauteur de vue des défenseurs d’une France née avant 1789.
En érigeant l’approche « disruptive » de l’analyse du présent comme corpus doctrinal, l’actuel locataire de l’Elysée pêche par une absence de colonne vertébrale idéologique, traduisant – malgré un esprit certainement brillant lorsqu’il est mis au service des marchés financiers – une vacuité intellectuelle dans l’élaboration des politiques publiques et dans la conduite de la Nation.
En somme, l’exacte antithèse de la pensée maurrassienne, cette dernière pouvant être résumée (si tant est que cela soit possible !) en ces quelques mots de Charles Maurras lui même qui définissait sa théorie de l’empirisme organisateur comme étant « la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays »… Un programme politique autrement plus enthousiasmant qu’un simple mais hystérique cri lancé aux détours d’une réunion publique, au son de : « parce que c’est notre projeeeeeeeeeeeeet !!!! ». Au delà de la forme, qui restera dans les annales de la scénographie politique, cette affirmation, aussi péremptoire que vide de sens, aurait dû alarmer les partisans de l’ancien ministre de l’Economie sur sa capacité à construire une pensée sérieuse et cohérente s’agissant de l’organisation du pays.
Analyser le présent à la lumière du passé pour prévoir les évolutions à venir et y répondre avec les meilleures solutions, telle est la signification de l’empirisme organisateur cher à Charles Maurras. Qui, objectivement, ne pourrait reprendre à son compte cette démarche positive pour envisager le futur de la France ?
En voulant délibérément renier l’histoire de notre communauté nationale pour mieux mettre en avant son concept de « Start up Nation », Emmanuel Macron a pris le risque de creuser un peu plus encore le fossé entre la pays légal et le pays réel.
Le dégagisme ambiant qui consiste à évacuer tout ce qui a eu le malheur d’exister avant sa propre date de naissance trouve aujourd’hui ses limites dans la crise que traverse l’Hexagone. En agissant sans la moindre considération pour les véritables penseurs qui ont fait la France, le Président de la République commet une erreur capitale qui plonge le pays dans une inquiétude palpable quant à sa capacité à fournir des réponses solides à la hauteur des demandes de nos concitoyens. Macron aurait dû reprendre à son compte l’axiome maurrassien selon lequel « l’expérience est notre maîtresse en politique ».
Emmanuel de Morienval