You are currently viewing Défis français

Défis français

La chronique de Stéphane Blanchonnet  (Le Bien Commun)

Loup Viallet, – dont nous avons déjà salué le travail de clarification sur les polémiques autour du Franc CFA –, s’attache dans un petit livre paru cette année (Après la paix, VA éditions) à définir ce qu’il appelle les « défis français » (il s’agit d’ailleurs du sous-titre de son livre). Il parvient efficacement, à travers un plan très simple, à poser les termes du sujet : les Français ont à relever un défi intellectuel (première partie) et un défi géopolitique (deuxième partie).

Concernant le premier défi, l’auteur peint le tableau d’une droite manquant de sérieux et de profondeur, s’imaginant qu’elle a remporté le combat des idées parce que quelques figures, – essentiellement journalistiques –, issues de ses rangs commencent à troubler le monopole médiatique de la gauche. C’est oublier que la pensée ne naît pas chez ceux que Gramsci appelait les « intellectuels secondaires » (comme les journalistes), qui sont surtout des relais, mais dans la production littéraire, philosophique, historique, sociologique, scientifique de ceux qui créent de véritables œuvres, des travaux approfondis, souvent académiques, universitaires. Beaucoup de brillantes plumes de droite dénoncent aujourd’hui la pensée dominante de la « déconstruction », – produit des efforts théoriques des grands penseurs, des « intellectuels primaires », de la gauche depuis 60 ans –, mais aucune de ces plumes n’a encore posé les bases d’un véritable programme de « reconstruction ». Nous ne pouvons que partager cette analyse, même si l’on pourrait reprocher à l’auteur une forme d’acrimonie à l’égard de tel ou telle qui n’a justement jamais prétendu faire autre chose que du journalisme (je pense à l’excellente Eugénie Bastié notamment).

Pour le second défi, Loup Viallet invite les Français qui se définissent comme patriotes à ne pas limiter leur horizon à la question migratoire sur un mode purement défensif. En effet, cette question, aussi importante soit-elle, est en grande partie la conséquence de phénomènes globaux : explosion démographique mondiale, instabilité chronique de certaines zones de la planète, hélas situées dans notre voisinage « régional », au sens géopolitique du terme. Il considère avec raison que sans une ambitieuse politique méditerranéenne et africaine, la France et l’Europe ne pourront échapper à la contamination du chaos. Toutes les digues (hautement nécessaires !) que nous pourrions dresser contre l’immigration s’effondreront nécessairement si nous ne parvenons pas à agir sur les causes premières des phénomènes.

J’ajouterais volontiers pour ma part un troisième défi qui est celui de la culture, de l’identité, de la langue. Comment espérer en effet obtenir le respect et renouer avec la puissance si nous sommes incapables de nous respecter nous-mêmes ? Combien de nationalistes qui prétendent défendre des trésors de civilisation qu’ils ne se donnent même pas la peine de connaître ? Combien de patriotes déclarés qui méprisent en pratique leur propre langue dont ils bafouent l’orthographe et accompagnent sans résistance l’anglicisation ? Combien de lecteurs (et d’électeurs potentiels) d’Éric Zemmour qui s’indignent de la multiplication des prénoms étrangers quand ils viennent d’Afrique mais qui sont totalement indifférents à la déferlante des prénoms à la mode, qu’ils soient totalement fantaisistes ou importés servilement d’Amérique ?