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L’éditorial de François Marcilhac

LES VRAIS PÉRILS

Le lent déclin

« Ce projet de réforme des retraites n’est qu’un des éléments d’un vaste ensemble de mesures destinées à mettre rapidement au pas une France jugée trop imprévisible, et cela avec la complicité active de nos propres dirigeants, qui préfèrent l’Empire au Royaume. »

Jusqu’où ira Macron ? Jusqu’où ira la rue ? Chacun sent bien que le projet de réforme des retraites, refusé par une majorité de Français, cristallise, en sus, un mécontentement que Macron aurait tort de mépriser en usant d’un subterfuge constitutionnel — l’article 47-1. Et ce n’est pas le soutien du milliardaire états-unien Elon Musk qui fera la différence ! Certes, Macron, qui ne pense pas en termes de souveraineté nationale, et dont le projet de réforme des retraites lui est dicté par la Commission européenne, ne saurait s’offusquer outre mesure d’une telle ingérence dans nos affaires, qui témoigne seulement de la morgue acquise par certains milliardaires, qui se considèrent à égalité avec des dirigeants politiques, quand ils ne prétendent pas inventer un étage supérieur de gouvernance mondialisée. Et Macron qui a reçu certains patrons des GAFAM comme des chefs d’Etat a montré combien lui-même, en bon saint-simonien, renonçait au politique.

LES RETRAITES : L’ÉLÉMENT D’UN TOUT

Le pire serait de se laisser divertir par une discussion d’ordre apparemment technique, sur le bien-fondé de la réforme, laquelle, de toute façon, ne revêt aucun caractère urgent. Car c’est bien la disparition de notre système de retraites par répartition qui est visée à plus ou moins long terme. Et là, le soutien d’Elon Musk prend tout son sens ! Oui, comme le communiqué de l’Action française l’a bien souligné : « Il ne fait aucun doute qu’une telle réforme, vue de Bruxelles, vise à une privatisation rampante du système de retraite et un alignement de la France sur la pratique libérale des pays voisins », au plus grand bénéfice des fonds de pension américains avec, en prime, pour Macron, l’espoir de fonder, et de solidariser dans ce crime commis contre le pays réel, une majorité de gouvernement avec ce qu’il reste de LR.

Oui, si paradoxal que cela puisse paraître, la question de l’équilibre financier de notre système de retraites pour les générations présentes et à venir n’est qu’un écran de fumée destiné à tromper le pays réel sur le véritable projet. « Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt… », ou perd son temps à discuter de telle ou telle modalité du projet de réforme. Les Français, qui n’aiment précisément pas être pris pour des imbéciles, surtout par des élites oligarchiques déconnectées et dénationalisées, dont l’insolence tient lieu de souci du bien commun, l’ont très vite compris. De même que la ficelle était un peu grosse de cette volonté de construire un nouvel espace de discussion « démocratique » appelé CNR – Conseil national de la refondation  – pour mieux détricoter ce qu’il reste de l’œuvre d’un autre CNR, celui dit de la Résistance, une œuvre qui fut d’autant plus plébiscitée à la Libération qu’elle était le fruit d’une réflexion transpartisane qui avait couru dans de nombreux cercles politiques et économiques durant les années trente et infusera aussi bien à Londres ou à Vichy que, pour finir, à Alger.

L’objectif recherché est toujours le même : l’inclusion de notre économie et, plus largement, de notre pays dans une mondialisation qui ne bénéficie évidemment qu’à un petit nombre, à savoir au sens strict du mot, à une oligarchie de profiteurs apatrides et dépourvus de tout souci de l’intérêt général. Le plus triste est que non seulement nos politiciens, ce qui ne nous étonnera guère en république, qui est le régime de l’argent et de l’étranger, mais également notre haute administration en raison de la porosité des différents secteurs (politique, économique, financier, administratif) sont les instruments de cette politique directement hostile à l’avenir français. La hausse autant vertigineuse qu’ubuesque des tarifs de l’électricité en raison à la fois de notre appartenance au système européen de l’énergie et de notre soumission aux traités européens en est une illustration. Et nos dirigeants, trahissant froidement les entreprises françaises, de se contenter toujours davantage de rodomontades tout en continuant de faire payer aux Français via l’aggravation de la dette nationale, les aides, du reste insuffisantes, versées pour soutenir l’activité. Fiat Europa, pereat gallica prosperitas ! « Que la prospérité économique française périsse, pourvu que l’Europe advienne ! »

UN IVe REICH ÉDIFIÉ PAR LA FRANCE

Mais il serait trop facile de viser uniquement l’Europe, même si elle est, dans l’ordre des choses, la première responsable. Car il est des pays membres de l’Union qui savent prendre leur distance avec des règles absurdes et surtout funestes pour leur économie nationale. Ainsi l’Espagne et le Portugal qui ont décroché du système européen de l’énergie. Il n’en est évidemment pas question pour une France à la remorque de l’Allemagne, pour un Emmanuel Macron qui a renouvelé son allégeance à Olaf Scholz, nouveau chancelier du Reich, lors du soixantième anniversaire d’un traité de l’Elysée mort-né — on sait comment le parlement allemand, en 1963, lui ôta aussitôt toute portée en réaffirmant l’allégeance de la RFA aux Etats-Unis, ce qui provoqua la fureur de De Gaulle. Or Scholz, sur aucun des sujets de désaccord avec la France, notamment sur les questions énergétiques ou d’armement, n’a fait la moindre concession, humiliant Macron comme les Allemands savent le faire avec les chefs d’Etats étrangers qui, loin de leur opposer avec détermination leur propre conception de l’intérêt national et leur vision de l’Europe, quémandent leur approbation et dissimulent leur manque de courage politique et de vision à long terme notamment dans la quête, comme d’un Graal, d’une « souveraineté européenne », dont la capitale administrative serait Bruxelles, mais la capitale politique Berlin et la capitale monétaire Francfort-sur-le-Main.

Le moindre des sujets de colère n’est pas que ce soient des Français qui auront construit patiemment le IVe Reich : Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand (avec Jacques Delors, à Bruxelles et sa « fédération d’Etats-nations ») Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy (avec pour celui-ci en prime le retour dans le commandement intégré de l’OTAN et la forfaiture du traité de Lisbonne), Hollande, Macron : tous nos présidents de la République, depuis 1974, ont lentement mais sûrement, déconstruit, comme on dit aujourd’hui, pour ne pas dire détruit, traité après traité, engagement après engagement, notre souveraineté économique, financière, diplomatique, militaire, au plus grand bénéfice d’une Allemagne qui n’a jamais renoncé à son impérialisme continental et à redevenir la première puissance d’Europe par la voie de la paix — américaine — plutôt que par celle de la guerre. Et encore : car la guerre, elle aussi américaine, en Ukraine, place évidemment l’Allemagne au centre du jeu. Ne vient-elle pas de briser le tabou de son réarmement ? Nul doute que Berlin profiterait d’une victoire des États-Unis en Ukraine sur la Russie, marginalisant une France qui n’aura pas su faire entendre une voix originale, ce qui ne sera pas sans menacer, de nouveau, notre siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU au profit de Bruxelles, c’est-à-dire de Berlin, voire de l’indépendance de notre force de dissuasion. Nous sommes désormais le seul Etat membre de l’Union à la posséder : la « partager » avec l’Europe, c’est-à-dire, là encore avec Berlin, et soumettre son emploi à l’OTAN, c’est-à-dire à Washington, ne serait-ce pas le meilleur moyen de concrétiser cette « souveraineté européenne » dans le cadre d’un pacte atlantique au nom d’une solidarité « occidentale » mythifiée face à la prétendue menace russe— solidarité idéologique aboutissant surtout à l’effacement la France ?

Tels sont les périls réels qui planent sur notre avenir. Ce projet de réforme des retraites n’est qu’un des éléments d’un vaste ensemble de mesures destinées à mettre rapidement au pas une France jugée trop imprévisible, et cela avec la complicité active de nos propres dirigeants, qui préfèrent l’Empire au Royaume.