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Le plus grand commun diviseur

L’éditorial de François Marcilhac

« Les gens qui ne sont rien », « les Gaulois réfractaires », « 66 millions de procureurs » : oui, Emmanuel Macron a bien un problème avec les Français. Mais ceux qui voient en lui un monarque qui s’ignore parce qu’il préférerait avoir à gouverner un peuple de bénis-oui-oui, voire un peuple de veaux, plutôt que des citoyens revendicatifs, se trompent à la fois sur Macron et sur la monarchie. Mais comment leur en vouloir quand des décennies d’enseignement républicain de l’histoire ont déformé l’Ancien régime, en faisant de nos rois des despotes sanguinaires, qui, afin de vivre dans le luxe, voire la luxure, accablaient d’impôts des sujets faméliques qui n’avaient qu’un seul droit : celui de courber l’échine et se taire. En diffamant nos rois, la République n’a pas seulement sali l’histoire nationale, et, par ricochet, insulté la dignité de nos ancêtres, elle a également brouillé les notions politiques et rendu incompréhensible ce Français si libre de l’Ancien régime, qui n’aurait jamais accepté de subir cette discipline républicaine enseignée dès l’école depuis deux siècles et qui vise à en faire, au gré des modes, un citoyen standardisé, docile et bien-pensant. Où est, aujourd’hui, ce Français jaloux de ses « privilèges dont le plus pauvre avait sa part », comme aimait à le rappeler Bernanos, et prêt à se soulever au moindre soupçon ?

Car le plus grand crime de la République à l’encontre des Français est d’avoir falsifié leur passé et, ce faisant, de leur avoir appris à se mépriser. On dit pourtant qu’ils aiment l’histoire. C’est vrai, mais à travers les traces prestigieuses que nous en ont léguées nos rois et le récent livre de Dimitri Casalis, La France des rois de France, nous le rappelle. Mais, en même temps, les rendant schizophrènes, on leur a si bien appris à mépriser les sources de cette grandeur et de cette liberté – car les Français étaient libres, sous les rois –, qu’ils en sont venus à vivre comme dans deux cités parallèles : la cité républicaine, toujours à parfaire, équivalent laïque de la cité de Dieu ; et la France, fruit d’une longue histoire, mais dont le passé si riche ne doit pas nous cacher sa particularité, contredisant l’universalité des valeurs républicaines. Elle est, en cela, dépassée. C’est la raison pour laquelle, « il n’y a pas de culture française » (Macron), ni même de peuple français, simple agrégat, depuis toujours, d’immigrés, c’est la raison pour laquelle une Famille de France est un signe vivant de contradiction dont il faut écarter le souvenir ou qu’il faut réduire à un folklore, c’est la raison pour laquelle, aussi, il faut pratiquer, toujours plus profond, l’ablation de ce kyste malin, toujours menaçant, que constitue l’histoire nationale, somme de crimes imprescriptibles (après Chirac et la Shoah, Macron et l’Algérie), comme si la République, pour devenir toujours plus parfaite, devait toujours plus renier la France et sa singularité impure.

Mais Macron, ce faisant, divise les Français et, à la place qu’il occupe, le plus haut de l’ordre républicain, il est même le plus grand commun diviseur. Homme de paille d’une oligarchie internationale qui a réussi à dominer jusqu’au pays légal lui-même, qu’il oppose frontalement les Français entre eux ou qu’il les jette tous dans un même sac de mépris, il poursuit le même dessein : inviter l’élite ou prétendue telle à toujours plus se démarquer du troupeau commun, à faire sécession, à revendiquer tous les droits aux dépens d’un pays réel qui n’est pas digne d’en jouir. Répression violente, lois liberticides pour tous sous prétexte de lutter contre l’islamisme, exception devenant la règle, fichage des citoyens, mépris de l’État de droit : la tentation despotique caractérise bien cette république macronienne, dont les acteurs croient sans doute que le « monde d’après » (la pandémie) favorisera l’instauration du « nouveau monde » qu’ils se sont promis d’édifier : une cité sans plus de procureurs, enfin consensuelle, enfin « réconciliée », mais sur les décombres de nos libertés, de notre identité, de la France elle-même.

François Marcilhac