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L’Éditorial de François Marcilihac

LE DISCOURS D’UN CANDIDAT

« VIVE LA RÉPUBLIQUE ET SURTOUT, SURTOUT, VIVE LA FRANCE ! » Comment un royaliste pourrait-il être en désaccord avec la péroraison du discours de Zemmour, ce dimanche 5 décembre à Villepinte, SURTOUT s’il se souvient, avec le légiste Bodin, que la meilleure république est encore la monarchie royale et qu’il fait sienne la devise du grand Colbert : « Pour le roi souvent, pour la patrie toujours », laquelle a le mérite de rappeler que le Roi est le premier serviteur du royaume ? Ne boudons pas notre plaisir : un royaliste d’Action française a peu à reprendre au discours de celui qui se présente comme un Juif berbère passionné par sa patrie, la France.

 DE LA DISPARITION DU RPR…

Le patriotisme : c’est certainement ce qui fait la différence entre Éric Zemmour et  Mme Jérôme Pécresse — Jérôme est directeur, depuis 2011, de GE Renewable Energy, filiale de l’américain General Electric… Ou comment le bradage de l’indépendance industrielle française par Macron, à la fin du quinquennat de Hollande, n’a pas dû scandaliser outre-mesure Valérie. Une même vision de l’indépendance nationale. Mais qu’importe, n’est-ce pas ? Chez Les Républicains, on n’est plus à cela près. Le fait qu’Éric Ciotti soit arrivé premier au premier tour de la primaire fermée de LR a fait tressauter d’aise ou frissonner d’horreur, c’est selon. C’était oublier qu’avec près de 26 % des voix des adhérents LR, Ciotti avait contre lui quatre autres candidats, tous Macron-compatibles. Juvin, qui avait très tôt annoncé son ralliement à Macron au second tour de la présidentielle, a immédiatement appelé à voter pour Valérie : il est logique, en effet, que celui qui avait fait campagne sur le maintien du nombre de fonctionnaires rallie, dans la seconde suivant sa défaite, celle qui veut en supprimer le plus grand nombre. Il en est de même de Bertrand, le candidat de « la République des territoires », et de Barnier, l’ancien commissaire européen s’affichant eurosceptique : Valérie est devenue en quelques secondes la candidate du pays réel (on ajouterait presque « et de la francophonie », s’il n’était pas de notoriété publique que l’ancienne élève de Sainte-Marie de Neuilly méprise la langue française comme elle respire).

Il est vrai toutefois que l’adhérent moyen de LR est moins obéissant qu’on le supposerait, Ciotti étant passé de 26 % à près de 40 % du premier au second tour, ce qui signifie que cet électorat n’a pas parfaitement suivi le choix aseptisé du trio Juvin-Bertrand-Barnier. Il n’en reste pas moins que la victoire de Pécresse est bien celle, posthume, de Chirac : LR se situe à peine, aujourd’hui, à la droite du MODEM et celui qui doit le plus râler n’est pas tant Bertrand (prénom Xavier), obligé de ravaler son destin national comme une brûlure d’estomac, que Philippe (prénom Édouard), dont le tout nouveau parti, Horizons, se trouve frappé d’obsolescence avant même d’avoir commencé d’exister, une feuille de papier à cigarette séparant le pécressisme du macronisme. Christian Estrosi et, peut-être bientôt, Renaud Muselier — il est vrai des hommes de convictions ! —, voilà des prises bien maigres. Oui, ces primaires impeccables de LR sonnent surtout le glas d’un parti où le « gaullisme » est devenu très minoritaire — si, du moins, on peut qualifier de gaullisme cette démagogie droitarde, ce sous-poujadisme qu’est le ciottisme, car Ciotti se réclame de Sarkozy, dont le bilan d’homme de droite est, chacun en convient, des plus performant, surtout en matière d’immigration et de sécurité…

Loin d’avoir défini ce que serait une « droite républicaine », ces primaires de LR n’ont fait qu’acter le divorce entre certains de ses électeurs qui se vivent encore comme militants d’un RPR mythifié — car ce parti fut celui de toutes les trahisons — et que courtisent Zemmour, et ceux d’un centrisme polymorphe ou polycompatible. Il serait évidemment possible de gloser sur l’échec du gaullisme à survivre au général, mais du vivant même du grand homme, les partis et leurs intérêts mesquins n’avaient-ils pas déjà repris le dessus ? Dès 1966, c’est en tout cas le verdict, à la fois lucide et implacable, du comte de Paris Henri VI dans une note au général.

On comprend évidemment la peur livide de Macron : Pécresse est sa pire ennemie, puisque voter pour elle, c’est voter pour lui, mais sans lui. Bref, se défouler, sans prendre de risque.  Et, pour Macron, être éliminé du second tour pour y voir s’affronter Valérie et Éric ou, mieux, Valérie et Marine : deux femmes ! Du jamais vu ! Avec Bertrand, le scénario envisagé était plus classique et donc plus prévisible. Ses équipes y avaient même préparé Macron. Las ! Le scénario a changé, et refaire le « coup Fillon » à Valérie serait peut-être une ficelle un peu grosse. Il va falloir faire preuve d’imagination.

… À SA RÉSURRECTION ?

Alors même que les adhérents de LR ont définitivement signé, ce samedi, la disparition du RPR, faut-il voir dans Reconquête, le parti de Zemmour, comme celui-ci l’a explicitement revendiqué à Villepinte le lendemain, la résurrection immédiate du mouvement gaulliste dans sa dimension la plus bonapartiste ? Ce serait décevant, même si Zemmour ne peut évidemment qu’appeler à le rejoindre les militants les plus à droite du mouvement, ceux qui ont, précisément, voté pour Ciotti et ne peuvent se retrouver dans Pécresse. Zemmour, dont le discours de dimanche est un sans-faute, a certainement acquis la stature non seulement d’un candidat, mais d’un candidat crédible. La mue du polémiste et de l’écrivain en homme politique a eu lieu. Balayant non seulement les grands thèmes régaliens (souveraineté, indépendance, politique étrangère, OTAN), mais, surtout, les grands problèmes dont la résolution est cruciale pour l’avenir même de la France (immigration, identité, école, industrie, aménagement du territoire), il a dessiné un projet dont les grandes lignes rejoignent nos préoccupations, conformément, d’ailleurs, à nos Dix Axes de Salut national qui feront l’objet de notre numéro de janvier. (Le Bien Commun)

OU À CELLE DE (JEAN-MARIE) LE PEN ?

Parce que les commentateurs sont à la fois paresseux et binaires, ils voient dans Zemmour, face à Marine Le Pen, la résurgence du lepénisme des années 1970-1980 — celui que Marine a tué. Certes, le discours de Zemmour n’est pas aseptisé : cela ne suffit pas pour en faire un discours s’abîmant dans la provocation ou la dénonciation, sulfureux. Zemmour dénonce des maux précis, qu’il nomme sans fard, et c’est ce qui déplaît, à une époque où il s’agit non plus de viser les choses avec exactitude mais, plutôt, d’enjoliver les problèmes pour mieux diaboliser ceux qui en font une analyse sans concession. Car c’est toujours le même refus de voir ce que l’on voit, pour reprendre le mot fameux de Péguy, qu’il s’agisse de l’identité nationale, la sacro-sainte « diversité » cachant une immigration invasive, la disparition de notre mode de vie et le surgissement d’une société multiconflictuelle ;  de notre indépendance, diluée dans une pseudo-souveraineté européenne ; de la faillite de l’école, devenue, sous prétexte de pédagogisme et d’égalitarisme, un lieu où apprendre est devenu secondaire par rapport à l’acquisition de savoir-être (le conditionnement), par la transmission non plus des savoirs mais d’idéologies mortifères (droits-de-l’hommisme, théorie du genre, culte des différences). Quant au respect de la nature humaine elle-même, qui est pourtant le premier droit de l’homme, il est dissous dans une multitude de « droits » individuels que la loi devrait satisfaire comme autant d’impératifs absolus : ce qui donne le mariage dit pour tous, la PMA, la GPA ou le respect des prétendues identités de genre, véritable trou noir de l’identité de chacun et de la dignité humaine. Oui, Zemmour dénonce tout cela, sans aucune concession au faux air du temps qui est, avant tout, la main-mise d’une minorité ultra-groupusculaire sur les médias et dans les cercles du pouvoir. Et il ne nous ennuie pas, non par de tièdes incantations aux valeurs de la République, au vivre-ensemble, à la laïcité ou à d’autres inepties. Cela repose. C’est pourquoi, aussi, contrairement à d’autres, il ne qualifie pas d’« acquis » la destruction des repères fondamentaux.

SON PIRE ENNEMI C’est évidemment sa force. Rien ne lui sera épargné, mais cela, il le savait avant de prononcer ce qu’il a appelé le « serment de Villepinte » : le refus de céder à la disparition de la France. Nul ne sait encore s’il aura les 500 fameuses « signatures » : gageons que les pressions sur les maires seront d’autant plus fortes de la part des préfets comme des autres candidats du système, qu’il montera dans les sondages. Sa détermination ne faiblira certainement pas. Il n’en reste pas moins que son pire ennemi, désormais, c’est lui-même. Savoir écouter, ne pas se laisser enfermer, comme d’autres, dans un cercle restreint de conseillers, aller à la rencontre du pays réel et, comme il l’a promis lui-même, savoir parler à tous les Français, sans exception : des impératifs qui ne sont pas toujours faciles à réaliser mais dont la satisfaction est la condition sine qua non pour ne pas apparaître comme le candidat d’une fraction mais être celui de tous les Français. Autant, du moins, qu’il est possible en république.