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La lutte contre le Covid-19 a révélé la face autoritaire du libéralisme

Par Ludovic Lavaucelle (LSDJ)

Le recours à des mesures exceptionnelles, la prise de contrôle temporaire par l’exécutif de tous les leviers du pouvoir pour affronter une crise, tout cela n’a rien de nouveau. Le problème est que « l’état d’urgence » est en passe de devenir une norme dans les démocraties occidentales. Un langage guerrier est couramment utilisé pour des sujets qui relèvent de la politique courante. Ces soixante dernières années, rappelle Andrew Crawford pour UnHerd (voir son essai en lien), les gouvernements américains ont déclaré une succession de « guerres » : contre la drogue, le terrorisme, le Covid, la désinformation et « l’extrémisme ». Emmanuel Macron lui-même a fait appel au même vocabulaire martial : « Nous sommes en guerre ».

La gestion de la crise du Covid-19 a dévoilé le revers de la médaille. Certains principes fondateurs du libéralisme qu’on pensait intangibles ont été mis sous le boisseau : de la liberté de circuler à l’égalité devant la loi… Plus en profondeur, ces dernières crises ont mis en lumière le projet anthropologique du libéralisme : changer la nature humaine. Pour protéger les plus faibles, les « victimes », on a besoin d’oppresseurs. Les drames qui surviennent sont autant de prétextes pour affirmer l’autorité morale de l’État en lui permettant d’intervenir toujours plus profondément dans la sphère privée. Cela se traduit par une administration pesant de plus en plus lourd dans la vie sociale et économique… La crise du Covid-19 débouche sur ce constat inquiétant : les populations occidentales ont globalement accepté cette évolution. Ce manque de résistance venant du berceau de la démocratie semble indiquer qu’un projet anthropologique et moral étatique suscite plus l’adhésion que le respect scrupuleux des principes d’un gouvernement respectueux de la démocratie.

L’étude des fondements philosophiques du libéralisme peut expliquer cette apparente contradiction. La doctrine libérale est une médaille portant sur le côté face le visage du philosophe Locke et, sur le côté pile, celui d’un autre Britannique : Hobbes. Deux penseurs quasi contemporains et inspirateurs des philosophes français des « Lumières ». Toutefois, leurs perspectives sur la nature humaine étaient très différentes. Le courant libéral né avec la démocratie américaine s’est largement inspiré de Locke : l’homme est un être raisonnable, capable de bon sens. Un système politique fondé sur la gouvernance de la majorité est vu comme le meilleur possible… L’autre racine de la théorie libérale, celle de « l’homme est un loup pour l’homme » de Hobbes, induit que les êtres humains sont vulnérables et que la mission première de l’État est de les protéger – y compris d’eux-mêmes. D’où un gouvernement à vocation progressiste et technocratique.

La victoire sur « l’axe du Mal » soviétique a permis la victoire de Hobbes sur Locke. La mission anthropologique du libéralisme a rempli le vide laissé par l’ennemi extérieur abattu. Dès les années 90, les sciences sociales ont mis l’accent sur l’incompétence cognitive de l’être humain. La théorie du « nudge », aujourd’hui couramment utilisée par les gouvernements occidentaux, consiste à modifier le comportement des individus sans avoir à les convaincre du bien-fondé de telle ou telle proposition. Cela dénote un changement radical de gouvernement : il n’est plus nécessaire de rechercher le consentement de citoyens responsables mais de les influencer… Les implications sont nombreuses. Technologiques : les algorithmes sont considérés comme plus fiables que le jugement individuel. La tendance générale est d’imposer des standards de mesure et de processus pour encadrer strictement les professionnels d’un secteur d’activité. On a atteint un paroxysme avec la crise du Covid : les médecins ont été étroitement contrôlés et devaient suivre un protocole ne laissant aucune place à leur liberté d’exercer. La conséquence est cette accumulation de ressources dans les strates administratives – de contrôle – plutôt que sur le terrain. L’impact sur le système hospitalier français s’annonce catastrophique. L’autre effet pervers consiste à noyer les responsabilités : c’est le système qui a un défaut et non les myriades de personnes aux commandes. Et le défaut se corrige par un surcroît de procédures et de contrôle…

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