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L’éditorial de François Marcilhac

Le (mini-)président de l’Europe

Emmanuel Macron a dû vivre quelques instants de bonheur, le 1er janvier, à l’occasion du début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne : le pavoisement du seul « drapeau européen » sous l’Arc de Triomphe. Quel bonheur de se croire Président de l’Europe durant quelques heures ! Pavoisement illégal, bien sûr, puisque ce « drapeau » ne saurait orner seul un édifice public. Mais surtout scandaleux par sa symbolique même.

Car ce bonheur intense qu’a dû vivre Emmanuel Macron consiste dans la visualisation de l’effacement de la France sur un de nos monuments nationaux les plus sacrés en raison même de la tombe du Soldat Inconnu, dont le sacrifice, aux côtés d’1,5 million de ses camarades, rappelle le sang versé pour l’indépendance de la patrie. Certains benêts ont geint que le geste de Macron était antirépublicain ! Si seulement ! On peut même dire qu’outre son inspiration romaine, l’Arc de Triomphe, impérial, légitimiste, orléaniste, doit fort peu à la République. Ce monument symbolise, grâce à Louis-Philippe, la volonté d’union nationale par-delà les querelles fratricides ouvertes par la Révolution. Le sacrilège de Macron était tout simplement antinational, visant à concrétiser cette cancel culture dont il fait la promotion depuis sa première campagne électorale, clamant en 2017 qu’il n’y a pas de culture française et effaçant symboliquement, en 2022, dans une cohérence absolue, la nation française elle-même.

En visant ce monument, il s’est agi pour Macron d’affirmer haut et fort que la souveraineté de la France et l’indépendance nationale, devenues obsolètes, doivent s’effacer devant une  « souveraineté européenne », « fil rouge » de sa présidence du Conseil de l’UE, à laquelle il est aussi …le seul à croire. Et cela, précisément, au-dessus du Soldat Inconnu, afin de donner toute sa dimension disruptive — le mot est à la mode — à la profanation. Son discours, le 19 janvier, devant le Parlement de Strasbourg comme mini-président non de l’Europe mais de son Conseil (il règlera durant six mois l’agenda comme un bon secrétaire) confirme que sa réélection introduirait cinq années de renoncement national à marche forcée. Il souhaite déjà, durant ces six mois — que ne ferait-il en cinq ans ! — aller toujours plus loin dans le sens du fédéralisme en imposant aux Etats récalcitrants l’invasion migratoire (cela s’appelle « acter d’un accueil partagé solidaire entre les États membres »), poursuivre, comme « boussole stratégique » et sous protectorat américain, le rêve d’une défense européenne qui nous lierait les mains (cela s’appelle définir « notre doctrine de sécurité propre en complémentaire avec l’OTAN »), ou imposer à tous les États nos tabous et autres dérives sociétales en « actualisant » la charte des droits fondamentaux de l’UE pour y ajouter « la protection de l’environnement » et « la reconnaissance du droit à l’avortement ».

On sait aussi que l’Allemagne, lorgnant sur notre siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, verrait d’un bon œil que notre siège revienne à l’UE, ce qui reviendrait à le donner à Berlin. Or des voix, à l’intérieur même de la Macronie, plaide déjà en ce sens. On peut également craindre une révision des traités en vue d’étendre le vote à la majorité, simple ou qualifiée, aux dépens de l’unanimité. Voilà longtemps que les eurobéats plaident en ce sens. Macron n’épargnera rien à la France.

La lubie macronienne de la « souveraineté européenne » est de la même eau que la « fédération des États nations » de Jacques Delors : une alliance de mots contraires pour mieux tromper les Français sur ses intentions profondes : effacer la France comme puissance souveraine, la souveraineté ne pouvant être l’attribut que d’une nation.

« Notre capacité à inventer un rêve possible, à le rendre tangible, à le rendre utile à nos concitoyens est la clé de notre succès », a conclu le Président. Prenons-le au mot, en le virant dès le dimanche 10 avril prochain !