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L’éditorial de François Marcilhac

AUJOURD’HUI LE CONFINEMENT, DEMAIN LA REDDITION DE COMPTES…

Oui, il faut faire preuve de civisme, oui, il faut respecter les consignes gouvernementales, oui, il faut que chaque Français, et plus particulièrement les patriotes conscients que nous sommes — ce qui ne nous rend pas a priori meilleurs, car la responsabilité personnelle est d’un autre ordre que politique, mais peut tout de même y contribuer —, prenne sa part du fardeau imposé à l’ensemble du pays, jusqu’à ce que cette épidémie ne soit plus qu’un (très) mauvais souvenir. Ce qu’elle ne deviendra pas pour tout le monde, car il faut également penser à ceux que le deuil aura frappés à l’occasion de cette catastrophe sanitaire.

Oui, tel est notre devoir, aujourd’hui. Mais la solidarité infaillible dont nous devons faire preuve, le sens aigu de nos responsabilités, dont nous ne devons jamais nous départir, ne doivent pas pour autant nous rendre aveugles, sourds ou muets. Nous restons des citoyens conscients des graves problèmes politiques qui se posent au pays et nous de devrons pas, demain, oublier les légitimes questions que nous nous posons d’ores et déjà. C’est, aujourd’hui, l’heure du confinement ; demain, ce sera celle du bilan et de la reddition de comptes. Car qui dit confinement physique ne dit pas confinement intellectuel, politique et moral.

Oui, après les ravages causés à notre pays, à son peuple, à son économie, à son tissu social, nous serons en droit de demander des comptes à nos dirigeants, présents, mais aussi passés, aux « acteurs », comme ceux-ci aiment à se définir, non seulement sur la gestion de la crise, depuis son apparition et les premiers cas, en provenance de Chine, mais aussi sur l’état de l’organisation de la santé publique dans lequel le virus a trouvé la France. Que Macron n’ait pas été à la hauteur, depuis le début, est une évidence. Hier soir, même les commentateurs d’ordinaire les plus serviles ont trouvé surréaliste une allocution présidentielle — pourtant la deuxième en cinq jours —, aussi bavarde que de coutume,  dans laquelle le président n’a même pas osé parler de « confinement », alors que les 35 millions de téléspectateurs et d’auditeurs attendaient le mot et acceptaient d’avance la chose, si bien que ce n’est qu’à 22 heures — en fait, le lendemain matin pour la plupart de nos compatriotes — que le discours du ministre de l’intérieur leur a permis de connaître exactement ce qu’il en serait de leurs déplacements et de leurs activités à partir de midi. 

Surréaliste, également, ce dogmatisme européiste de Macron, à l’image du pire dogmatisme stalinien : le monde peut s’écrouler autour de lui, tous les pays européens les plus importants et les plus responsables fermer en partie ou totalement leurs frontières, Macron, tout en confinant les Français chez eux, en appelle toujours à l’idéologie de la libre-circulation comme à un mantra, comme si la mettre entre parenthèses le temps d’une épidémie remettrait en cause le sacro-saint traité de Schengen ! Notre confinement temporaire remet-il définitivement en cause notre liberté constitutionnelle d’aller et venir ? L’aveuglement idéologique de Macron, à caractère quasi-religieux, ne nous étonne pas, malheureusement. Mais sa confirmation dans de telles circonstances ne laisse pas de nous inquiéter sur les ressorts mentaux du chef de l’État et de l’équipe qui l’entoure. Fiat Europa et pereant Galli ! comme (n’) aurait (peut-être pas) dit Kant… Que périssent les Français, pourvu que l’Europe advienne !

Surréaliste, enfin, ce maintien du premier tour des municipales, sur « la pertinence » duquel  le comte de Paris, dans un communiqué, s’est légitimement interrogé. Comment la parole présidentielle serait-elle encore crédible, alors qu’à quarante-huit heures d’intervalle, on passe d’un discours sur l’exercice sans risque de son devoir civique, à un confinement généralisé de la population ? Sans compter que, comme l’a fort judicieusement remarqué le Prince, changer les équipes en pleine épidémie n’est peut-être pas des plus judicieux…

Il convient de noter également l’incurie gouvernementale depuis le début de la crise, du refus initial de prendre au sérieux les risques de pandémie à l’abandon de poste d’Agnès Buzyn, préférant le gâteau parisien — mal lui en a pris : et elle ose aujourd’hui parler de « mascarade » à propos des municipales ! Ce refus est évidemment à l’origine des multiples retards à l’allumage dénoncés par les plus hauts responsables de la santé, et aux risques accrus pour tous les personnels soignants, que Macron faisait gazer par sa police il y a encore quelques semaines… Les conséquences de la pénurie notamment de masques, de gants ou de gel hydroalcoolique devront un jour être clairement précisées.

Mais le pire est que cette incurie aggrave un état sanitaire déficient. L’Europe, là aussi, par ses exigences budgétaires, a sa part de responsabilité, sans compter l’idéologie mondialiste de la division internationale du travail, qui fait que nous ne disposons plus de l’autonomie suffisante pour répondre aux besoins les plus urgents, notamment en matière sanitaire. On a beau, par ailleurs, ânonner que la France a le meilleur système de santé du monde, elle dispose surtout des meilleures équipes et des dévouements les plus sublimes. Car — et les « acteurs » d’hier devront, eux aussi, répondre de leur méfaits —, la gestion de l’épidémie ne fait que mettre en pleine lumière le recul de notre système de santé que le pays légal, depuis au moins deux décennies, a délibérément engagé — ses membres étant certains de ne pas supporter les conséquences de leur politique. Plus de 60 000 places d’hospitalisation à temps complet ont ainsi disparu en France entre 2003 et 2016. Quant aux urgences, dont on sait l’état déplorable et qui sont en crise depuis des mois, comment feront-elles pour supporter un tel défi ? Et, par ailleurs, y aura-t-il suffisamment de lits en services de réanimation ? Car l’héroïsme avéré de nos personnels soignants ne pourra pas tout, surtout si la demande dépasse rapidement l’offre — employons le jargon libéral. La situation dans le Grand Est est déjà catastrophique, nécessitant le recours au service de santé des armées, qui n’avaient pas besoin de cela, sacrifiées comme elles le sont, elles aussi, depuis plusieurs décennies ! Et on parle déjà des nombreux drames éthiques auxquels seront bientôt confrontées les équipes médicales : ou comment imposer dans la pratique — avant de l’inscrire dans la loi ? — l’euthanasie par défaut de soins, sur fond de pénurie hospitalière… C’est paraît-il déjà le cas en Italie, après plusieurs décennies de « gouvernance » libérale, comme en France.

Toutes ces questions devront être posées, le moment venu ; et surtout, recevoir des réponses. Le pays réel sera alors en droit d’exiger que toutes les responsabilités soient clairement établies et les plus graves manquements sanctionnés.

François Marcilhac