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Macron : Retour aux années 20 par François Marcilhac

Ainsi les Français ont été privés de centenaire de l’Armistice. Sur ordre de Merkel, paraît-il, qu’un grand défilé militaire aurait humilié. La semaine d’ « itinérance » (sic) mémorielle, et de reconquête électoraliste, s’est donc terminée sur une double cérémonie réservée aux seuls soixante-dix chefs d’État et de gouvernement invités par Macron : tout d’abord à l’Arc de triomphe, ensuite sous forme d’un raout pacifiste, un forum de la paix très SDN, et qu’a boudé Trump, comme les États-Unis avaient boudé cette même SDN, après nous avoir imposé le traité de Versailles… qu’ils n’ont jamais ratifié. Permanences.

De fait, Macron ne croit en la résurgence des années 1930 et de leur péril que parce que lui-même en est resté aux années 1920 et à leurs illusions pacifistes et européistes des Louise Weiss, Coudenhove-Kalergi et autre Drieu La Rochelle, dont l’aveuglement fera le lit du défaitisme des années 30, puis de la collaboration avec l’Allemagne et son Europe nouvelle. Il est vrai que, tout à son pacifisme rance, Macron, pour aller plus vite, commence directement par la soumission à l’Europe allemande. Son refus de participer aux cérémonies militaires des Invalides n’avait pas pour seule raison celui d’assumer ses palinodies sur le maréchal Pétain. Pourquoi, aussi, la réduction victimaire des poilus à des civils déguisés en soldats, ou l’appel concomitant à une armée européenne, serpent de mer dont ne veut aucun de nos partenaires et dont il a déjà désigné l’ennemi, la Russie ? Macron rêve – le mot est dans son allocution du 11 novembre – d’une Europe politique, comme on en rêvait dans les années 1920, au temps de la création du Mouvement paneuropéen, et du lancement par Aristide Briand, en 1929, devant la SDN, de l’idée d’une fédération européenne. C’est qu’il rêve d’une histoire qui ne soit plus tragique. C’est-à-dire qui ne soit plus l’histoire.

Ses oppositions simplistes – patriotisme contre nationalisme, progressisme contre conservatisme – ont leurs sources dans ces idées sorties de la naphtaline. Car, tout en instrumentalisant de manière aussi indécente le sacrifice de nos poilus pour ouvrir la campagne des européennes, cet idéologue d’autant plus dangereux qu’il prend ses rêves pour la réalité se montre prêt à sacrifier l’indépendance nationale au nom d’une amitié franco-allemande fantasmée, fût-ce au prix du partage avec Berlin de notre arme nucléaire et de notre siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Plagiant, dans son allocution, tour à tour les chaudes bêtises de Hugo au Congrès de la paix de 1849 (1), ou le ton plus grave de Malraux accueillant Jean Moulin au Panthéon, notre Aristide Briand de sous-préfecture, qui réduit la France à un idéal, autant dire à un ectoplasme moral, n’a que mépris pour la patrie charnelle. Or, s’il avait lu l’empiriste organisateur Bainville plutôt que le rationaliste Julien Benda, il aurait appris que le problème du traité de Versailles fut, précisément, d’être non pas un traité politique mais un traité moral. Quand Bainville prédit dès 1919, une à une, les étapes devant conduire de Versailles à Munich, puis à la guerre, Macron, lui, vaticine. « La politique n’est pas conçue pour destiner de beaux trépas aux enfants de France », rappelait Maurras en 1927. C’était treize ans avant que l’Histoire ne reprenne d’autant plus tragiquement son cours que les Macron de l’époque avaient cru qu’on pouvait ruser avec elle.

(1) L’expression est de Louis Veuillot.

Source : Le Bien Commun n°2, décembre 2018