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Le système Macron

Par Olivier Perceval

Où est-il le système transparent avec les commissions citoyennes, le changement de paradigme avec une nouvelle majorité censée incarner depuis 2017 une approche plus partagée et plus sincère de la politique ? A l’embouchure du nouveau quinquennat, le système craque de partout, les masques commencent à tomber et si ce n’est pas une surprise pour nous qui avions depuis longtemps éventé la prostrationservile du parti de godillots LREM, les médias subventionnés sont obligés aujourd’hui de faire écho aux frustrations accumulées depuis cinq ans.

Le président banquier technocrate, ne croit à la représentation nationale que dans la mesure ou celle-ci valide sans discuter les décisions et projets venus d’en haut. Et on a vu le rôle des cabinets conseils et des lobbies comme véritables décideurs en amont du parlement transformé en chambre d’enregistrement. 

Dans une interview vérité qui remet en lumière le rôle (ou l’absence) de l’Assemblée nationale dans la Ve République, la députée Annie Chapelier, membre de la majorité présidentielle, a dénoncé le mardi 3 mai sur France-Inter l’impossibilité pour les parlementaires de jouer un rôle dans l’écriture et la portée des textes votés par l’institution.« Je choisis de quitter La République en Marche, parti dans lequel ne se retrouve plus aucune des valeurs qui ont été à l’origine de mon engagement », a indiqué l’élue dans un communiqué, et elle ajoute dans l’interview de Jérôme Cadet :

 « On sent bien que ce qui émane de ces groupes de lobbies, ainsi que des think tanks, qui sont extrêmement écoutés, amène à choisir la teneur des textes. Nous, les parlementaires, ne pouvons pas travailler sur les textes, ne pouvons pas modifier les textes, ne pouvons pas apporter quelque chose dans les textes. La machine ne fonctionne plus. Nous ne sommes là plus que pour un décorum, pour un jeu de rôle. » Jérôme Cadet : « Et vous avez le sentiment que ces textes ne sont pas écrits par des parlementaires ou par leurs équipes ? Les textes qui sont votés à l’Assemblée nationale ? » Annie Chapelier : « Mais ils ne sont jamais écrits par des parlementaires. » Jérôme Cadet : « Par qui alors ? » Annie Chapelier : « Ils sont écrits par les ministères, qui eux-mêmes les délèguent à leurs cabinets ministériels, qui eux-mêmes les font travailler par des cabinets de conseil, parfois, pas toujours. Et dans une succession ainsi de personnes, on se retrouve avec des textes qui ont pour objectif, un mot d’ordre qui est :  Surtout, ne changeons rien ou très peu pour donner l’illusion que nous changeons ». 

Anne-Marie Le Pourhiet* résume parfaitement le fonctionnement de la macronie : « 

Méfions-nous de tous les « machins » citoyens que nous proposent de prétendus experts beaucoup plus soucieux de défendre leur caste, leurs privilèges et leur business que l’intérêt général. Les « conventions citoyennes » tirées au sort n’ont rien à voir avec la démocratie mais tout à voir avec l’oligarchie déguisée en lotocratie. Comment être assez naïf pour croire qu’un panel d’inconnus volontaires sortis d’un chapeau, qui n’ont été élus ni mandatés par personne, en revanche soigneusement cornaqués par des militants autoproclamés experts, vont pouvoir prétendre « représenterle peuple » et imposer l’adoption « sans filtres » de leurs lubies catégorielles ? Appeler cela démocratie est une imposture. […] Les conventions et consultations dites citoyennes sont des instruments de confiscation du pouvoir démocratique par des groupes militants et des cabinets de conseil totalement dépourvus de légitimité. Elles ne peuvent conduire qu’à créer des illusions en aggravant encore la fragmentation sociale et l’exaspération populaire »

LREM est devenu « Renaissance », mais il est à craindre que le mot « Obsolescence » soit plus significatif de la chute vertigineuse que nous prépare le vainqueur par défaut des présidentielles. Ainsi, le président nouvellement réélu avait besoin d’un deuxième mandat pour réaliser ce qu’il n’avait pas osé engager trop radicalement durant son premier quinquennat. Il lui reste cinq ans pour achever son projetfuneste de « réforme de l’État », qui commence naturellement par le détricotage des institutions de la Ve République au profit d’une délégation au secteur privé des pouvoirs publics, notamment en supprimant les grands corps d’Etat, comme le corps diplomatique et le corps préfectoral et en recourant le plus souvent aux cabinets de conseils privés.

Avec la ferme volonté de transférer à l’Union Européenne l’essentiel des pouvoirs régaliens, allant même jusqu’à envisager de sacrifier notre siège au conseil de sécurité à l’ONU, au profit de l’UE, Macron s’apprête à faire disparaître la nation française dans une organisation néo-libérale, apatride et soumise à Washington, qui n’hésitera pas,par une grossière manipulation médiatique à nous conduire dans une guerre antirusse que le bon sens européen le plus élémentaire nous hurle d’éviter. 

Peuvent éclater ici ou là, des scandales à répétition, dont les acteurs sont de riches affairistes de Benalla à Coralie Dubosc, ces gens-là aiment l’argent, qualité recherchée par le pouvoir macronien qui fonde sa doctrine de « start up nation », sur l’ambition et le goût de la réussite enseignés dans les écoles de commerce ou de communication, et les groupes financiers. Ces « savoir-faire » sont, aux yeux du président et de ceux qui l’ont propulsé au pouvoir, des moteurs de succès beaucoup plus performants que ce que pourraient proposer les acteurs du service public, usés et honteux. C’est pourquoi il ne faudra pas attendre le relèvement de l’hôpital public, pas plus que celui de la justice, la police, l’éducation, tous les grands services de l’État en déshérence. Mais il y aura des places à prendre et des tas de petits « génies » font la queue au guichet de l’Elysée, munis de leurs diplômes et de leurs recettes de management privé applicables au public sans aucun doute, pour remplacer les vieilles structures flageolantes. Et pour plaire à la gauche ainsi qu’à la droite « d’extrême centre » les réformes dites sociétales, autour de la procréation assistée et artificielle et de l’homme augmenté vont déferler à l’envi…

Une forte opposition nationale sortira-t-elle des législatives ? Rien n’est moins sûr même si la consigne reste : « pas une voix pour macron ». Mais pourtant il faudra se battre par tous les moyens même légaux. Peut-être existe-t-il d’autres voies que le sempiternel scrutin à deux tours ?

*Anne-Marie Le Pourhiet, née le 7 août 1954 à Brest, est une juriste française spécialiste de droit constitutionnel, professeur des universités en droit public à l’université Rennes-I. Elle est vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel.