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Nous vivons ainsi une période d’ubris juridique

Par Louis-Joseph Delanglade* (Je Suis Français)  

En prônant l’instauration de Cours de sûreté rendant des jugements sans appel pour les suspects avérés de velléités terroristes (R.T.L., dimanche 30 mai), M. Peltier, vice-président du groupe L.R. à l’Assemblée nationale, politicien déjà confirmé malgré sa relative jeunesse, ne pouvait ignorer qu’il provoquerait un tollé, essentiellement à gauche mais aussi dans son propre parti des Républicains.  

Il n’y aurait donc aucun intérêt à disserter sur ce bon coup, uniquement motivé par une ambition partisane qui reste le dénominateur commun de presque tout le microcosme politicien. Mais quelques-uns ont choisi moins de polémiquer que d’argumenter sur le fond : du coup, au-delà des frilosités de la droite et des indignations de la gauche, la vivacité verbale de M. Peltier nous a valu un plaidoyer pour l’État de droit, considéré dans l’ordre des finalités comme supérieur à la France, patrie charnelle ou État-nation.

Alors que le pays est régulièrement la cible de la terreur islamiste, gauche et droite « de gouvernement », promptes à se voiler la face à la simple évocation de mesures simplement destinées à nous défendre, déploient le même argumentaire. Certes, on dénombre depuis 2015 près de trois cents victimes assassinées par des islamo-terroristes. Mais cela se fait dans le cadre de l’État de droit auquel on ne saurait déroger et les propositions de M. Peltier seraient en conséquence jugées irrecevables par le Conseil constitutionnel. – De quel droit ? – Du droit de l’État de droit. – L’objectif du Conseil constitutionnel est-il donc de satisfaire aux exigences de l’État de droit jusques et y compris contre la protection et l’intérêt même de la France et des Français ? – Les Français mesurent mal la chance qu’ils ont. – Ce sont plutôt les terroristes qui ont de la chance.

Des conduites déviantes existent pourtant. Ainsi, en 1893 et 1894, sous la Troisième République donc, sont promulguées les fameuses « lois scélérates » destinées à réprimer avec la plus grande sévérité la violence meurtrière de la mouvance anarchiste. De même, lors de la Libération, des tribunaux d’exception condamnent, notamment à mort, des milliers de collaborateurs ou supposés tels. Et vers la fin de la guerre d’Algérie, d’autres tribunaux d’exception font passer de vie à trépas de nombreux partisans, civils ou militaires, de l’Algérie française. On arguëra que les circonstances étaient exceptionnelles. Ne le sont-elles pas aujourd’hui, nos gouvernants répétant régulièrement que « nous sommes en guerre » contre le terrorisme ?

Au fond, l’État de droit consiste à sacraliser le droit lui-même, tel que certains ont bien voulu le définir. Ensuite, plus moyen d’en sortir ni même d’émettre des doutes car cela vaut accusation de blasphème contre la démocratie. Nous vivons ainsi une période d’ubris juridique dans laquelle le Conseil constitutionnel s’est arrogé, mais s’est vu aussi reconnaître, un rôle démesuré, celui de contrôler les lois à l’aune de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, reprise dans les Constitutions de 1946 et 1958 – ce qui lui permet de dire oui, de dire non. C’est la fin du politique.

Le Conseil constitutionnel peut même refuser toute démarche référendaire qui lui paraîtrait contrevenir aux sacro-saints principes de 1789. Exit la liberté d’appréciation du peuple pourtant réputé « souverain » mais nullement consulté sur l’immigration, la nationalité, le nucléaire, etc. Les « sages » du Conseil répondront que, la dernière fois qu’on lui a demandé son avis, il a mal répondu (2005, « non » au traité établissant une constitution pour l’Europe). Et ce qui ne convient pas au Conseil constitutionnel n’entre pas « dans le champ de notre consensus démocratique historique » (Thomas Legrand, France Inter, 1er juin).

Drôle de consensus. « Périssent les colonies plutôt qu’un principe » s’exclamait déjà Robespierre en mai 1791. Ses fidèles épigones se montrent encore et toujours prêts à privilégier leur(s) principe(s) au détriment du bien commun.

** Agrégé de Lettres Modernes.