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Tolkien… Les songes nous guident (2)

Par Fréderic Poretti-Winkler


Le chemin de la libération est clair, il se désigne sous le nom du Roi, mais pas n’importe lequel, celui qui possède des valeurs et qui est à cheval, aurait dit Bernanos. Celui qui vient du fond de nos consciences, sang divin de la terre du peuple et qui symbolise la chevalerie éternelle, dont nous sommes les serviteurs, « peuple et Roi » sont de droit divin disait Marcel Jullian. En 1943, s’adressant à son fils Christopher, Tolkien dit : « Mes opinions politiques penchent de plus en plus vers l’Anarchie (au sens philosophique, désignant l’abolition du contrôle, non pas des hommes moustachus avec des bombes), ou vers la Monarchie « non constitutionnelle ». Ce roi, cet homme est celui qui unit, et non qui divise comme le sont des parodies de gouvernants, que nous connaissons malheureusement aujourd’hui, toujours en recherche d’une légitimité qui leur échappe. Mais comment unir avec 20% de voix, obtenus avec le mensonge et les outils de la communication, triste réalité d’un monde moderne, si terne ! Tolkien d’ailleurs aurait pu prendre d’autres exemples de gouvernement pour ses histoires mais non, la royauté reste pure et prend d’ailleurs toute sa dimension élévatrice par la quête. Les héros doivent affronter les périls, se remettre en question et gravir les épreuves afin de devenir comme dans le Roi Arthur des preux ! La lutte s’engage contre les faux prophètes avec Saroumane où chefs d’un soir entraînant les peuples à la folie destructrice, dans « La Route perdue », écrit en 1936. Cette résistance est aussi contre ce règne du mal aveuglé par la souffrance faisant perdre tout repère humaniste, fruit de la folie des hommes, que seule la tempérance peut sauver, que l’on voit dans l’île de Númenor soumit par Sauron. Il dira plus tard, en 1956, ne pas être démocrate : « uniquement parce que « l’humilité » et l’égalité sont des principes spirituels corrompus par la tentative de les mécaniser et de les formaliser, ce qui a pour conséquence de nous donner, non modestie et humilité universelles, mais grandeur et orgueil universels »(Tolkien). C’est la raison qu’il faut garder comme la mesure dans toute chose, relire dans le doute les paroles de Jehanne d’Arc, montrant toujours les limites de tout acte et parole humaine. L’enseignement est là, les écrits ne demandent qu’à être lus et compris. Et puis qu’importe les grincheux s’exclamait Cyrano rêvant en regardant les quartiers de Lune, s’il nous plaît de voir ce monde différemment comme Tolkien le pensait. Si les rêves tracés de sa plume fleurissent le nôtre un peu trop parsemé de gris. Dans « Le Retour du Roi », Gimli dit : « Je n’aurais jamais pensé mourir aux côtés d’un elfe », et Legolas répond : « Et que pensez-vous de mourir aux côtés d’un ami ? ». Si paré d’un peu de naïveté antique nous reconstruisons un univers communautaire fait de serments et de fidélité où la noblesse des hommes ferait s’enfuir les êtres vils comme Alfrid, dans « Le Hobbit, la bataille des cinq armées ». Il s’agit de redonner une âme à ces temps de confusion, bref un sens à l’existence, c’est l’appel de Tolkien. C’est l’appel de l’espérance, de l’humain dans toute l’acceptation de sa dimension vivante, contre une société en perdition basculant vers l’enfer du numérique. L’homme doit réfléchir sur son destin comme de l’environnement naturel qu’il désire préserver et voir s’enrichir demain pour ses enfants. Nous sommes de ceux, trouvant encore plus de vie dans les ruines d’un château où un monastère que dans un centre de supermarché, il suffit de le comprendre. La grâce des papillons comme le chant des oiseaux, voir le bruissement de l’eau, nous parlent plus que la froideur des ordinateurs… L’Ent dit dans « La Communauté de l’Anneau » : « Lorsque le printemps déroulera la feuille du hêtre et que la sève sera dans la branche, Lorsque la lumière sera sur la rivière de la forêt sauvage et le vent sur le front ; Lorsque le pas sera allongé, la respiration profonde et vif l’air de la montagne, Reviens vers moi ! Reviens vers moi et dis que ma terre est belle !… » Ce que les matérialistes ne comprennent pas et ne comprendront jamais, hommes de peu d’humanité, c’est que cette part de rêves et d’imagination, nous permet d’avancer vers un univers de couleurs et de musiques, de nature et de vie. Loin de l’univers des machines dénoncées par Tolkien mais pas que : Bernanos, Huxley, Orwell et bien d’autres humanistes dans le sens chrétien de l’universalité humaine, les matérialistes sombrent dans un néant, qui n’est autre que l’enfer. L’analyse du mal chez l’homme, appuyé des connaissances sur l’éthologie de Konrad Lorenz, montre combien les débordements de celui-ci, deviennent nocifs pour l’espèce, surtout depuis les armes de destructions massives, à la différence des animaux…


Ce monde absurde des machines devenues « maîtres » de nous, symbolisés dans le « Seigneur des Anneaux » est finalement l’épilogue ensemencé de la pensée des « Lumières », aux bourgeons malfaisants, d’où naquit le XXe siècle des horreurs concentrationnaires. La racine du mal, ces « maîtres à penser », ces libéraux aux vies perturbées, furent ceux-là même, qui assouvirent les peuples en instituant l’usure en système de référence, renversant l’éthique des siècles, basé sur la Justice sociale dans l’élévation des âmes, au service des autres. Ces hommes du XVIIIe siècle, las de la douceur de vivre (Talleyrand), voulurent contrarier la nature en désirant changer l’homme. Les « soi-disant » bonnes idées comme volontés, détruisant traditions et usages des siècles, générèrent les pires systèmes dictatoriaux et génocidaires, de celui de la Vendée en 93, on passa des socialistes aux nationaux-socialistes et divers avatars, tous plus terribles les uns que les autres, au nom des chimériques « lendemains qui chantent ». Cela Tolkien l’a vu et par son formidable génie imaginaire, l’a signifié dans ses œuvres fantastiques. C’est pour cela qu’il est temporel dans ses récits d’une extrême réalité, pour ceux qui veulent y voir clair et comprendre. C’est pour cela que l’on y trouve toutes les références historiques et imaginaires chevaleresques d’élévation, de justice, de charité, de foi et de sacrifice. Le héros est un être humain en symbiose avec la nature vivante, qui se bat contre l’insupportable système dictatorial mis en place avec les machines, c’est cela la leçon éternelle de la survie de l’humanité, sous la plume de Tolkien.


Où sont les couleurs, où est cette musique, où demeure le rêve ? Cette magie que seule la volonté chevaleresque d’un Roi incarne, écoutons Tolkien : « Je reviens vers vous en ces temps difficiles ». Mais cela ne suffit pas, tout se mérite, c’est sur la route du sacrifice que se construisent les sociétés policées et paisibles, avec des hommes qui s’oublient pour le service des autres, c’est l’enseignement de l’histoire, qu’imaginairement réécrit Tolkien. Car cet imaginaire est en nous, dans l’esprit et le cœur de nos jeunes enfants, pure et noble, comme les rêves des fées et princesses, paladins et chevaliers, preux et bâtisseurs, gueux et guides spirituels. C’est ainsi que se reconstruisent les cités et que se prolongent les sagas, lorsque l’on se promène à travers des paysages dont nos ancêtres constituent l’humus de la terre, que l’on doit respecter comme notre mère. Tolkien rajoute : « Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort. Et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous leur rendre, Frodon ? Alors, ne soyez pas trop prompt à dispenser mort et jugement. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins ». Notre monde quel qu’il soit ou devienne ne peut s’améliorer dans la dignité sociale qu’en respectant certaines règles qui élèvent l’homme pour la vie sociétale humaniste, tel que la chrétienté l’enseigne depuis les temps les plus lointains. Le triomphe de la vérité progresse que si les gens de bien se battent contre le mal. Des contes et légendes, que reste-t-il ? Notre imaginaire fabrique des sagas et invente des histoires sans fins, que nos cultures ancestrales sèment dans nos consciences et aux quatre vents. Quel bonheur d’imaginer, en ces temps confus et matérialistes, des époques où seuls l’ami et le service importaient à la vie. Il est bon, voir passionnant, de vivre de tels instants en des quêtes sans fins, en des mondes aux couleurs pastel, aux musiques enchanteresses, où règnent chevaliers et princesses. Les histoires de Tolkien sont ancrées dans des mondes merveilleux, d’enchantements et de fééries très anciens. Les codes sont ceux du Moyen-Age dont les récits sont hors du temps, peut être afin d’amener le lecteur à se souvenir de ses racines en s’appropriant à travers Tolkien, l’héritage des légendes et sagas, constituant son identité, afin qu’à travers son sang, il trouve dans le monde moderne, les clés, les réponses essentielles, sur le sens de son existence.  


Il est réconfortant de savoir qu’il n’y a pas que ce monde gris qui nous entoure mais que l’impossible peut un jour se réaliser. Quelle est la temporalité réelle et le virtuel, le cauchemar et le rêve, l’imaginaire que nous y mettons peut demain changer, telle est l’âme humaine. Telle est l’esprit de la « Terra Francorum », de la « Geste des Francs », comme de nos espérances, rien n’est décidé, rien n’est écrit. Le « laisser-faire », la résignation, cette forme de lâcheté dans la soumission facile de nos existences à un pouvoir d’un soi-disant nouvel ordre mondial reposant sur l’argent, n’est que le résultat de l’abaissement de l’homme, comme de l’acceptation à un fatalisme réduisant nos enfants à une numérotation vers la robotisation des individus. Alors oui, nous pensons que l’élévation est un défi humaniste, le service de l’autre dans une forme de chevalerie perpétuelle, toujours présente et renouvelée, l’exemple et l’humilité et puis qu’importe ! C’est notre choix, même si c’est inutile, même si nous devions mourir, nous avancerons dans cette détermination, cette voie tracée par nos ancêtres, de Roland à Baudouin IV, comme de Bayard à D’Artagnan. Nous sommes fils de France et avons un destin, comme un héritage sur nos épaules et dans notre sang. En nous, résonne encore le cor de Roland, annonçant les périls qui nous guettent. C’est la chevalerie franque avec les templiers qui, aux portes de Jérusalem, marqués de la croix rouge du Christ, vainquirent à un contre dix, parce que la foi ne renonce jamais, parce que c’était et c’est cela la France ! Notre jour viendra…


Du « Crac des chevaliers » en Syrie, nous tirons notre devise : « Sit tibi copia sit sapientia formaque detur inquinat omniasola superbia si comitetur… Aie la richesse, aie la sagesse, aie la beauté, mais gardes-toi de l’orgueil qui souille tout ce qu’il approche ».


F. PORETTI – Winkler
Bibliographie sommaire :
Le Silmarilion
Le Seigneur des anneaux
Feuille, de Niggle 
La Route perdue  
Deux Arbres
J.R.R. Tolkien, La Légende de Sigurd et Gudrún
Kalevala (Elias Lönnrot) 
L’Edda poétique