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Où va la droite républicaine ?

par François Marcilhac

Rien ne ressemble plus à une rentrée politique que la rentrée politique suivante. L’année dernière, elle s’était faite sur fond d’élections européennes ; cette année, ce sont les municipales ; mais en ligne de mire, c’est toujours la présidentielle de 2022. Et un nouveau match Macron-Le Pen dont le résultat risque d’être sans surprise.

Ne parlons pas de Macron, qui a cherché à déminer le terrain d’une rentrée sociale de tous les dangers en repoussant la réforme des retraites à l’issue d’un nouveau grand débat et de consultations, qui auront surtout le mérite de repousser la réforme au lendemain des municipales. Parlons plutôt du camp dit national, qui a fait sa rentrée, d’abord à travers un long entretien de Marion Maréchal dans Le Figaro Magazine début septembre, à l’occasion d’une « Convention de la droite » organisée fin septembre, autour du mensuel L’Incorrect et à laquelle elle participera ; ensuite mi-septembre, par le discours de Marine Le Pen à Fréjus.

La finalité de cette convention, aux yeux de Marion Maréchal ? « Sortir des logiques partisanes afin de briser les digues d’hier et associer, dans un événement commun, des gens issus de courants, de familles politiques variés. C’est une déclaration d’indépendance de la droite vis-à-vis du progressisme, du multiculturalisme et du libre-échangisme. Une rupture, pour tourner la page de toutes les trahisons, les reniements et les confusions qui entourent depuis trop longtemps le terme de “droite” et lui redonner ses lettres de noblesse. »

Elle en a bien besoin, en effet, la droite, de recouvrer ses lettres de noblesse, et voilà un fort beau programme, qui était déjà celui des rencontres de Béziers, Oz ta droite, en 2016. Du reste, Marion Maréchal est lucide : « Mais que les choses soient très claires, il ne s’agit pas de la création d’un mouvement politique. Ce qui ne veut pas dire que cette convention n’aura pas de suite. » On sait qu’Oz ta droite implosa.

Faut-il pour autant ne rien tenter ? Évidemment non, surtout au moment où la droite parlementaire, successivement dénommée UDR, RPR, UMP, LR, connaît le même sort que le parti socialiste — le sort de ceux qui préfèrent le reniement à un nécessaire aggiornamento. Et on ne peut que saluer l’objectif de Marion Maréchal d’ « ancrer dans un avenir commun des Français issus de courants variés : des souverainistes, des populistes, des libéraux-conservateurs, la droite nationale…» Oui, « l’effondrement de LR aux dernières européennes est une opportunité. »

Une opportunité, malheureusement, qui ne semble pas faire réfléchir tous ceux qui affirment défendre le camp national, pour, souvent, finir par prétendre l’incarner seuls, comme cela s’est encore vu aux européennes. La logique centripète des partis, quand ce n’est pas des égos, a interdit jusqu’à présent d’envisager comme crédibles des « coalitions de gouvernement qui, malgré les différences, arrivent à faire front commun pour défendre les intérêts de la France. C’est ce vers quoi je tends. » Nous ne pouvons que souhaiter bon courage à Marion Maréchal dans cette voie.

Car la droite est encore loin de comprendre qu’elle est riche, et sera forte, de sa diversité,. Le caractère hégémonique du Rassemblement national en est une illustration malheureuse, au moment même où, de nouveau, il commet, avec la PMA, la même erreur historique qu’en 2012-2013 avec le mariage pour tous : une opposition a minima tout en refusant de reconnaître la révolution anthropologique qu’il induit. Du reste, Jordan Bardella, l’étoile montante du RN, a fait son coming out sociétal : le mariage pour tous serait un « acquis ». On comprend pourquoi ce jeune clone de Florian Philippot nous ressert le même argumentaire que son aîné en 2012 : il n’ira pas défiler parce qu’il y a d’autres priorités, notamment économiques et sociales, que la ligne jaune est la GPA et que le débat doit avoir lieu à l’Assemblée — une Assemblée où le RN sera privé de parole sur la question de l’immigration, fin septembre, lors du débat imposé par Macron sur le sujet ! Certainement que, d’ici quelques mois, Bardella assurera que la PMA est elle aussi un acquis et qu’il n’ira pas défiler contre la GPA parce qu’il y a d’autres priorités, avant que la GPA elle-même ne devienne un acquis… Cet itinéraire, d’une droite sans colonne vertébrale, est celui qu’a suivi le RPR-UMP-LR depuis quelque deux décennies. Perspective intéressante : il se retrouve aujourd’hui à 8 %. On ne peut donc que saluer la détermination de Nicolas Bay qui, dans la suite de ses prises de position de 2012-2013 contre la mariage pour tous, a non seulement tancé, manifestement sans résultat, le jeune Bardella, mais a encore assuré qu’il irait, lui, défiler contre la PMA. Comme Marion Maréchal. Tous deux sont, chez les patriotes républicains, les représentants d’une génération qui en a assez de courir de défaite en défaite pour ne pas oser ses convictions. En Hongrie, en Italie, c’est une droite forte de ses convictions sur tous les plans, y compris sociétal, qui gagne et reste au pouvoir — ou y serait restée, en Italie, si Salvini n’avait pas péché par présomption — et non, comme le dit fort justement Zemmour, « cette droite française si bête qu’elle cherche toujours l’assentiment de la gauche » : aliénation suprême, pour avoir intégré le progressisme, elle considère ses propres valeurs comme ringardes. Oui, contrairement à ce que certains pensent au RN, les priorités sont diverses, et loin de se contredire, elles se complètent. Comme l’a fort bien noté Marion Maréchal, qui se revendique « libérale-conservatrice » : « Oui à la liberté, mais la liberté qui s’inscrit dans un héritage national et pose des limites aux excès de la nature humaine à travers des traditions, des valeurs et une morale. » Dont acte.

En ce sens, nous ne pouvons qu’approuver le programme de Marine Le Pen pour les municipales : réduction de la fracture territoriale via une politique déterminée de réaménagement du territoire, relocalisation des activités, démétropolisation, en vue de construire une « civilisation écologique » : tous thèmes que nous avons abordés et largement développés durant notre université d’été. En revanche, son « union nationale », regroupant des candidats issus de la droite et de la gauche ne restera qu’un rêve si elle se pense sur le modèle du rejet en 2005 du traité constitutionnel : la conjonction dans les urnes ne fut qu’objective. Elle ne donna naissance à aucune dynamique transpartisane. Comme le rappelle Marion Maréchal, « force est de constater que le dialogue est compliqué avec les antilibéraux de gauche qui sont le plus souvent internationalistes, multiculturalistes et socialistes sur le plan économique ».

Nous devons regarder à la fois avec intérêt mais sans illusion les perspectives offertes par la droite républicaine. Avec intérêt, parce que, plus elle sera forte et unie, plus elle pourra s’opposer aux tendances nihilistes du progressisme, incarné aujourd’hui par Macron. Sans illusion, puisque le régime des partis lui interdira toujours, malheureusement, de produire le maximum d’effet, encourageant chez elle la division. C’est la France qui, à chaque fois, au bout du compte, paie les pots cassés.