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«On glorifie les paysans pendant le Salon de l’agriculture pour les oublier le reste de l’année»

Manifestation contre les suicides dans le monde agricole, le 23 janvier 2017 à Agen. MEHDI FEDOUACH/AFP

FIGAROVOX – Le Salon international de l’agriculture ouvre ses portes ce week-end à Paris. Un bon moment pour évoquer le malaise du monde agricole et paysan?

Isabelle SAPORTA – Nous sommes aujourd’hui face à un terrible paradoxe: il n’y a jamais eu un tel attachement des Français au monde agricole et à la ruralité, surtout depuis la crise écologique, nous n’avons jamais autant pris conscience de l’importance de notre ruralité, nous n’avons jamais été aussi fiers de nos terroirs, pourtant nos paysans n’ont jamais été aussi miséreux…

Au point que nous nous sommes presque habitués au suicide de nos agriculteurs, cette situation est insupportable et devrait nous empêcher de dormir. Dans quelle profession supporterions-nous qu’un jour sur deux un travailleur se suicide? Dans quelle profession accepterions-nous un si faible niveau de revenus? Qui supporterait de travailler comme nos agriculteurs, avec une telle rudesse et plus de 80 heures par semaine, pour 350 euros par mois? Le mépris social qu’ils ressentent est réel, et le mouvement des Gilets jaunes n’est pas né de rien. Il est justement né de l’arrogance des métropoles – et de Paris, la première d’entre elle – envers la ruralité et les périphéries françaises. Elle est loin l’époque où les villes étaient entourées de leur ceinture de maraîchage! Aujourd’hui les métropoles sont littéralement hors-sol, pourtant elles n’existent que si la ruralité est là pour les nourrir… Le niveau d’hypocrisie qui régit nos relations au monde agricole est sidérant. Je pense qu’il est grand temps de rendre leurs lettres de noblesse à nos paysans et à la ruralité…

D’où vient cette arrogance des métropoles pour le monde paysan? Pourquoi sommes-nous devenus aveugles à la réalité de ce dernier?

Parce qu’on est hors-sol et déconnectés! Aujourd’hui un petit citadin naît sans savoir à quoi ressemblent des animaux de la ferme, ni même ce que sont de simples légumes! Je me souviens avoir fait le tour des cantines avec Jean-Pierre Coffe, nous avions été choqués de constater que les enfants ne savaient pas reconnaître les simples fruits et légumes devant eux. La première chose qu’il faudrait faire, c’est réhabiliter la leçon de chose, réapprendre le b.a.-ba! Expliquer à des enfants ce que sont les fruits et légumes de saison, leur apprendre ce qu’est une pêche durable, à quoi ressemble un poireau…

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