(Retour sur la réception de Charles III d’Angleterre à Versailles.)
Par Ina Phisinov
Qui saura seulement les fouler de ses pieds capricieux et n’aura de cesse de conchier les Français fiers de leur culture
L’évangile de Matthieu dit : « Ne donnez pas de choses saintes aux chiens et ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent »…
De plus, l’habit n’a jamais fait le moine !
Le dîner d’État donné au château de Versailles le 20 septembre dernier à l’occasion de la visite du roi d’Angleterre, Charles III, et de son épouse, Camilla, me laisse perplexe. L’événement était officiellement annoncé comme tel. Or, je pense qu’il est nécessaire de rappeler – à « Monsieur Moyen » comme au chef de l’État – qu’un dîner d’État a une fonction de diplomatie gastronomique, si, si ! Ce n’est pas une bonne bouffe organisée avec tout ce que Paris compte de bling…
Beaucoup d’encre a coulé, surtout à gauche de l’échiquier politique : les Français ne peuvent pas boucler leur fin de mois et un gueuleton de première classe est servi à Versailles. Pensez donc, homard bleu en entrée préparé par le chef Anne-Sophie Pic, volaille de Bresse et son gratin de cèpes mitonnés par le chef Yannick Alléno, plateau de fromages assemblé par le maître fromager Bernard Antony et le nec plus ultra en dessert amoureusement concocté par le chef Pierre Hermé. Il est tout de même extravagant d’imaginer servir à Charles et Camilla – que je me permets d’appeler ainsi familièrement, le roquet capricieux qui nous gouverne se permettant, lui, de toucher, caresser, embrasser le roi… comme un pote quoi ! – une soupe de poireau, du jambon-coquillettes, une portion de vache qui rit et un yaourt à la fraise… non ? Ou alors, dans ce cas, on ne donne au repas le titre de « dîner d’État » !
Certes, la sauterie a un coût, encore qu’on ne sache pas réellement lequel, l’estimation étant ardue. Sur ce point, suivons celle à laquelle s’était livré en juillet 2008 le député PS René Dosière à la suite du dîner donné au sommet de la Méditerranée le 13 juillet 2008 : 5 050€. Ce soir-là, 160 invités avaient été conviés… comme pour recevoir Charles et Camilla. Je sors donc ma calculatrice : 808 000€ de victuailles arrosées. Aujourd’hui 1 900 000 personnes perçoivent le RSA dans notre pays… si l’argent dépensé pour le repas versaillais leur avait été distribué, chacune d’elles aurait reçu… 42 centimes !… Ce n’est pas l’économie de ce dîner qui aurait changé le quotidien des Français, disons le haut et fort, n’en déplaise aux gauchistes râleurs, aux extrémistes jaloux et autres petits dictateurs en puissance ! Ça s’appelle de la diplomatie, tout simplement… D’autant que la vaisselle alignée sur la longue nappe blanche, critiquée parce que fastueuse, appartient à l’État, enfin aux rois, depuis 1758…
La France, donc, recevait le roi d’Angleterre, elle se devait de sortir les plus belles assiettes, elle se devait de déboucher les bouteilles des plus grands vins, la pompe devait être exceptionnelle. C’est l’excellence française qui se montrait là, la France qui rayonne… merci l’héritage de la monarchie !
En revanche, ce qui me dérange, ce sont les invités, parmi lesquels : Emma Mackey, une actrice de série Netflix, Patrick Viera, ancien footballeur reconverti en entraîneur, Arsène Wenger, lui aussi entraîneur, Amélie Mauresmo, ancienne joueuse de tennis, Christopher Hampton et Kate Elliott, tous deux écrivains, Mick Jagger, chanteur, Jack Lang, ancien tout et finalement rien, Didier Drogba, footballeur, etc. Comment est-il possible d’associer la fonction diplomatique de l’événement à ces personnes ?
Chausser les pantoufles de Louis XIV pour recevoir « à la française » en ouvrant les portes de la galerie des glaces, n’assure pas l’aura audit porteur de chaussons, ne fait pas de lui un monarque mais marque bien, en revanche, son absolutisme… qui n’était pas, loin s’en faut, l’apanage des rois !