Par Eric Letty (publié dans Monde et vie)
Le 21 janvier dernier, veille de la marche pour la Vie, un politicien inspiré s’est écrié lors d’une autre manifestation : « Vive la vie, à bas la mort ! ». Ce n’était pas Marion Maréchal, ni Emmanuelle Ménard, ni Ludovine de La Rochère. Il s’agissait de Jean-Luc Mélenchon. Le patron de la France insoumise, qui s’est plutôt distingué jusqu’à présent comme un farouche partisan de l’avortement et de l’euthanasie plutôt que de la culture de vie, n’avait pas été touché par l’aile de l’ange, mais contestait le projet de réforme des retraites annoncé par Elisabeth Borne. À bas la mort, dans son esprit, signifie seulement :non à la retraite à 64 ans. Faut-il comprendre qu’aux yeux de cet ancien ministre à l’Enseignement professionnel dans le gouvernement de Lionel Jospin, la vie commence à la retraite ?
Même si ce n’est pas celui auquel pense Mélenchon, il existe bien un rapport direct entre les retraites et la vie – rapport qui se traduit par le déficit démographique résultant à la fois de la dénatalité et de l’allongement de l’espérance de vie. En ce sens, le million de Français qui a manifesté contre la réforme Borne aurait mieux fait de rejoindre la marche pour la Vie… Dans la logique des internationalistes marxistes comme des mondialistes socio-libéraux, Mélenchon ou Macron, le recours à l’immigration pourrait représenter une solution au vieillissement de notre population. Ainsi, les immigrés seraient appelés à payer nos retraites à la place des enfants que nous n’avons pas faits. Ce calcul est à la fois cynique et faux : l’immigration de masse coûte cher et ne résoudra rien. Elle contribue au contraire à mettre en péril notre identité nationale, sans inquiéter Emmanuel Macron, puisque plus de 320 000 premiers titres de séjour ont encore été délivrés en 2022.
L’immigration de peuplement fonctionne comme un siphon entre un espace vide et un espace plein. Lorsque des politiques ou des éditorialistes de droite s’effraient de la natalité galopante des peuples africains, ils oublient que le véritable problème ne tient pas à leur jeunesse et à leur vitalité, mais à notre propre refus de la vie. Il est vain de pousser des cris d’orfraie devant les conséquences des choix que les Français ont faits et continuent de faire en réélisant depuis cinquante ans les promoteurs de leur disparition. Ainsi, sous la présidence de François Hollande – auprès duquel Emmanuel Macron a exercé les fonctions de secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis de ministre de l’Économie – la politique familiale a été détricotée par plusieurs mesures (dont la réduction du quotient du plafond familial et la mise sous conditions de ressources des allocations familiales). Cette politique s’est inscrite dans une logique plus ancienne de destruction de la famille et de rejet de la vie, consacrée par la banalisation du divorce, la déconsidération des mères au foyer, le refus de la maternité considérée comme un obstacle à la complète émancipation des femmes, la dénaturation du mariage par la loi Taubira, la disqualification de la paternité avec la PMA sans père, une mentalité contraceptive, encouragée auprès des mineurs sous la présidence de Macron. Et surtout, le meurtre de dix millions d’enfants à naître depuis un demi-siècle – que même le Rassemblement national, qui se targue d’être opposé à l’immigration, légitime aujourd’hui en souhaitant inscrire l’avortement dans la Constitution.
Accrochés à leur confort matériel comme Harpagon à sa cassette, les peuples européens, dont la France, ont oublié que l’enfant est une richesse ; ils le regardent désormais comme un poids financier, voire comme une menace pour la planète. Par rapport aux peuples émergents, ils ressemblent à un marathonien qui, sur la ligne de départ, se tirerait une balle dans le pied, ou dans la tête. La lutte des sexes, la négation du genre, la publicité assurée à la transsexualité par l’État lui-même, le wokisme, la haine de soi sous toutes ses formes vont de pair avec ce mépris pour la vie et participent de la même idéologie mortifère. Faut-il s’étonner de disparaître si nous nous suicidons ? Nous aurons les conséquences, comme disait jadis Jacques Bainville… Je me réjouis donc que Jean-Luc Mélenchon s’écrie aujourd’hui « Vive la vie ! » Mais il lui reste à conformer ses idées et ses actes à cette nouvelle profession de foi. Hélas, la route est longue.