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« Population : l’Insee rajoute, en catimini, 411 mille résidents »

Par Ilyes Zouari

Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
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Chose passée inaperçue, l’Insee a récemment triplé le solde migratoire de la France entre 2017 et 2020. L’immigration est désormais la principale source de croissance démographique du pays, et son poids ira en s’amplifiant avec la chute de la natalité… favorisée par le talibanisme écologique ambiant.

L’analyse du dernier bilan démographique annuel de l’Insee, publié le 18 janvier, a été l’occasion de constater une révision à la hausse du solde migratoire pour l’année 2020, ainsi qu’une seconde révision, à un an d’intervalle, de celui des années 2017 à 2019. Il en découle que le solde annuel moyen a été multiplié par 3,6 pour la période triennale 2017-2019, passant de 46 mille à 165 mille personnes, tandis que celui de 2020 passait de 87 mille à 140 mille. Au final, le solde migratoire a été rehaussé de 411 milles personnes pour la période 2017-2020, faisant ainsi grimper la population française à 68,4 millions d’habitants début 2022 (et non 67,8 millions, comme l’indique à tort l’Insee, qui exclut les habitants des territoires français du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon du calcul de la « Population de la France entière », selon ses propres termes).

Le poids grandissant de l’immigration 

L’Insee reconnaît donc enfin, mais subrepticement, que l’immigration est la principale composante de la croissance démographique française depuis déjà quelques années. Ainsi, et alors que l’organisme affirmait début 2020 que le solde migratoire n’avait contribué qu’à hauteur de 23 % de la hausse de la population sur la période 2017-2019 (hors ajustements liés au changement de questionnaire), voici que les nouvelles données portent ce taux à non moins de 52 %. Une correction dont l’ampleur n’a d’égal que le degré d’opacité de l’Insee en matière de démographie, cas unique et regrettable au sein des pays de l’OCDE.

Mais au-delà de cette spectaculaire révision, il est à noter que l’immigration représentera bientôt l’unique source de croissance démographique de la France, dont elle comblera prochainement un solde naturel négatif. En 2021, la contribution du solde migratoire serait d’ailleurs passée à 63 %, part qui continuera donc à augmenter suite à l’effondrement de la natalité, avec un Indice conjoncturel de fécondité qui a chuté à 1,83 enfant par femme (et environ 1,7 pour celles nées en France). Un niveau en baisse quasi constante depuis 2015, et qui est désormais assez loin du niveau nécessaire au renouvellement des générations (près de 2,1). Ainsi, la soi-disant « championne » de la natalité en Europe n’est autre, en fait, qu’un mauvais élève parmi d’autres… Or, il est largement admis que la contribution de l’immigration à l’évolution démographique d’un pays doit toujours être minoritaire, voire marginale, afin d’éviter un certain nombre d’effets déstabilisateurs. Et ce, notamment lorsque le cadre juridique du pays concerné accorde facilement la nationalité.

Fanatisme écologique et dénatalité

Pourtant, rien ne semble vouloir contrarier la tendance, d’autant plus que la chute des naissances est de plus en plus liée au fanatisme écologique véhiculé par un matraquage médiatique quotidien. À en croire les grands médias occidentaux, notre planète est surpeuplée, presque toutes les catastrophes naturelles sont la conséquence de l’activité humaine, et la fin du monde est proche. L’endoctrinement est tel, qu’une étude internationale publiée en septembre dernier, par la revue britannique The lancet planetary health, constatait que 37 % des jeunes français âgés de 16 à 25 ans hésitaient à avoir une descendance pour des raisons écologiques. Triste constat, lorsque l’on sait que l’Histoire a toujours fini par donner tort aux prophètes de l’apocalypse et ancêtres spirituels des talibans de l’écologie, qui ont toujours sous-estimé le potentiel de la Terre et, surtout, le génie humain.

En réalité, et bien que notre planète souffre d’un certain nombre de maux, seule une infime partie de son potentiel en énergies renouvelables est aujourd’hui exploitée, de même qu’une infime partie de ses ressources minières et fossiles (encore considérables, notamment au fond des océans). Parallèlement, les avancées scientifiques sont permanentes en matière d’agriculture (comme avec l’aéroponie, qui permet un rendement à l’hectare près de 100 fois supérieur, sans terre, soleil ni pesticides !), en matière d’architecture, de transports, ou encore de traitement des déchets. Et tout cela, sans même parler des perspectives infinies qu’offre l’univers… Il est donc bien naïf de s’imaginer que l’humanité sera bientôt à court de ressources, ou que les déchets nucléaires ont vocation à être stockés ad vitam aeternam sur notre planète (si tant est que la problématique continue à se poser, le prix Nobel français de physique, Gérard Mourou, affirmant qu’il pourrait être bientôt possible d’en réduire la durée de radioactivité à seulement 30 minutes…). 

Le terrible retard démographique de la France

Ces différents éléments démontrent bien que l’essor d’un écologisme radical déconnecté du monde réel, et tirant la France vers le bas, est bien regrettable. Et ce, d’autant plus que celle-ci souffre d’un terrible retard démographique par rapport aux trois autres principales puissances d’Europe de l’Ouest, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. En effet, si la France était aussi peuplée que ces trois pays voisins, à la superficie bien moins importante, elle compterait pour sa seule partie métropolitaine non moins de 128 millions, 153 millions et 108 millions d’habitants, respectivement (et si l’on devait étendre cette comparaison à la verdoyante Corée du Sud, aux deux tiers recouverte de forêts et peuplée de 51 millions d’habitants, ou à l’Égypte hors désert, qui recouvre 94 % de la superficie de ce pays de 103 millions d’habitants, la France métropolitaine compterait aujourd’hui, et respectivement, non moins de 285 et 949 millions d’habitants…).

Ce retard considérable de la France puise ses origines dans la très lente progression de sa population deux siècles durant, de 1750 à 1945, alors que le reste de l’Europe connaissait un véritable essor démographique (à la seule et tragique exception de l’Irlande). Au terme de ces deux siècles perdus, la population française n’a ainsi été multipliée que par 1,6, passant d’environ 24,5 millions à 40,1 millions d’habitants début 1946. Dans le même temps, l’Italie et l’Allemagne multipliaient la leur par trois, passant respectivement, et dans leurs frontières actuelles, de 14 à 45,1 millions, et d’un peu moins de 20 millions à environ 68 millions d’habitants (ou 58 millions, sans l’entrée d’à peu près dix millions d’Allemands, chassés de leurs anciens territoires et des pays d’Europe orientale au lendemain de la seconde guerre mondiale). Quant au Royaume-Uni, celui-ci sextuplait la sienne dans ses frontières actuelles, passant de 8,1 à 49 millions début 1946.

Pourtant, la forte croissance démographique des autres pays européens se fit en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits ayant ensanglanté le continent et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire en direction du Nouveau Monde qu’ont connue tous les pays, à l’exception de la France. Sur cette période de deux siècles, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont ainsi perdu entre 20 et 25 millions de nationaux, tandis que l’Hexagone ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.  

La France a donc longtemps été, démographiquement, l’homme malade de l’Europe et du monde. Elle qui était trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni, en 1750, et aussi peuplée que le Japon au début des années 1800. Le léger baby-boom ayant suivi la seconde guerre mondiale (avec un indicateur conjoncturel de fécondité n’ayant jamais dépassé les 3,04 enfants par femme) ne permit donc de rattraper qu’une petite partie d’un terrible retard accumulé au cours des deux siècles précédents. Un déclin démographique qui ne fut naturellement pas sans conséquences sur l’influence de la France en Europe, et qui contribua dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales, qui coûtèrent cher à l’Hexagone. En effet, si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse. Et la France, non effrayée par son écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme…

Mais la France, qui fut le pays le plus touché au monde par les simplistes et farfelues idées malthusiennes, qui ne cessent d’être infirmées génération après génération, est donc aujourd’hui de plus en plus atteinte par le fanatisme écologique (qui, d’ailleurs, reprend souvent les idées malthusiennes, encore très présentes). Pourtant, une politique volontariste en matière de natalité lui permettrait de redynamiser son économie et de rattraper progressivement son retard démographique sur ses grands voisins, tout en contribuant à limiter le déclin démographique et économique de l’Europe au niveau international.