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L’éditorial de François Marcilhac

LE-GROS-QUI-TACHE

Évidemment, rien ne sera épargné à Éric Zemmour, et c’est bien normal : la politique n’est pas une affaire de Bisounours et les coups, le plus souvent, volent bas. Disant cela, nous ne pensons pas tant à la vie personnelle – une tentative a été faite il y a quelques semaines qui s’est soldée par un échec – qu’au plan politique lui-même. Il s’agit toujours de réduire le candidat à un aspect de son discours, une réduction qui, même si elle peut s’avérer caricaturale, n’est pas toujours illégitime. Ainsi, Hidalgo, et dans une moindre mesure les écologistes parce qu’ils drainent également de vrais militants dont le radicalisme ne laisse pas, souvent, d’inquiéter, apparaît bien comme la candidate des bobos et plus généralement des urbains favorisés. Mais lorsqu’elle propose le doublement du traitement des professeurs, elle fait preuve de démagogie, d’une sorte de populisme de gauche bon teint qui n’en est pas moins exécrable et qui, rarement, du reste attire l’électorat qui en est la cible. Faut-il s’attarder sur Bertrand, Barnier et Pécresse ? S’étant rendu compte dans quelle direction souffle actuellement le vent de l’opinion publique, ils se déclarent plus souverainistes et plus anti-immigration les uns que les autres, après avoir, chacun à sa place, si l’on peut dire, aider à la soumission juridique, notamment constitutionnelle de la France au Léviathan bruxellois et favoriser, sous Sarkozy, les politiques immigrationnistes les plus désastreuses. Leur manque de mémoire confine à l’obscénité ! Et, de mémoire, il est fort possible que électeurs en aient davantage qu’eux.

Encore ne faut-il pas aider les commentateurs malveillants à faire œuvre de désinformation. Lorsque qu’Éric Zemmour plaide, pêle-mêle, pour l’abolition du permis à points, le retour aux 90 km/h et la fin du 30 km/h en ville (retirant aux municipalités toute capacité de décision en la matière, ce qui poserait un problème de compétences des municipalités au plan juridique), il n’est pas loin de se trouver dans la position de l’arroseur arrosé. Car les politistes ont beau jeu, évidemment, de prétendre que Zemmour, dont l’électorat est plutôt cultivé, a besoin d’attirer à lui également un électorat plus populaire et, sous-entendu moins cultivé, en flattant la corde « gilet jaune ». Le pire serait que Zemmour, en matière de mépris du peuple, semble leur donner raison par des mesures grossièrement « disruptives » dans lesquelles il n’est pas certain que le « populo », du moins la majorité d’entre lui, le suive. Premièrement, il est faux de croire que Zemmour, notamment sur CNews n’attirait pas un public populaire : au contraire, indépendamment des diplômes acquis, ou non acquis, à l’école, ce public aimait à l’entendre parler de la France et de son histoire autrement que pour les salir ou faire acte de repentance. On aurait tort de croire que les Français des classes populaires sont insensibles à la thématique de l’honneur national comme au désir d’en apprendre toujours plus sur la France. Autant dire qu’il n’y a pas que le gros-qui-tache qui attire l’électorat populaire et que c’est offenser le peuple français que de le penser. Laissons cela à la droite prétendument populaire ou à la gauche, voire l’extrême gauche, qui le pensent si fortement que, justement, elles ont abandonné cet électorat pour des électorats de remplacement (les « urbains » et/ou les immigrés). 

Oui, Pompidou avait raison : il faut arrêter d’emmerder les Français. Encore faut-il le faire en accord avec l’état de l’opinion, qui n’est plus celui qu’il était dans les années 1960. Que les 80 km/h uniformisés sur tout le territoire aient été une erreur : nous l’avons toujours dit, et repasser à la règle des 90 km/h, évidemment aménageable en fonction de la configuration du réseau, est une nécessité. De nombreux départements l’ont déjà fait, sans que cela joue sur l’accidentalité et la mortalité. Il en est de même de la perspective, affichée par Hidalgo, du 110 km/h sur autoroute : ce radicalisme écologiste ne sera pas accepté par les Français, ce dont, du reste, s’est très vite rendu compte Macron qui a refusé d’emblée de reprendre cette mesure de la pseudo-Convention citoyenne sur le climat, instance dépourvue de toute légitimité – nous l’avons démontré à l’époque. Quant au 30 km/h en ville, il est de la même eau, ou presque, plus qu’on pollue plus à 30 qu’à 50…. Mais il s’agit de promouvoir la ville apaisée, etc. Là encore, c’est le pragmatisme, qui devrait prévaloir et non l’idéologie. 

En revanche, s’agissant du permis à point, si son aménagement est une nécessité, notamment pour les infractions mineures, il n’est pas certain que l’annonce de sa disparition ne soit pas perçue également par une partie de l’électorat susceptible d’être attirée par Zemmour comme une de ces mesures strictement démagogiques qui nuisent plus au candidat qu’elles ne lui profitent. Nous nous sommes longuement attardés sur un exemple, apparemment mineur, mais ce n’est pas nous qui l’avons mis dans l’actualité et il est parlant. Réussir une présidentielle, c’est savoir rester en permanence sur une ligne de crête, celle de la mesure. Seul un candidat « sachant raison garder » a une chance d’appeler à lui une majorité de Français. Très vite, nos concitoyens se détournent de candidats dont la parole politique semble se réduire à une série de provocations qui peuvent correspondre à des souhaits non formulés, mais dont l’absence de formulation, précisément, est un indice de leur non-acceptabilité. Il en est de même de l’affaire des prénoms. Un candidat n’est pas là pour libérer les humeurs des Français, voire devancer leur expression, mais pour formuler des propositions raisonnables, au vrai sens du terme : que peut entendre la raison. Elles doivent dès lors être travaillées. Cela ne leur interdit pas d’être des propositions de rupture : au contraire, elles n’en seront que plus crédibles.