La chronique de Stéphane Blanchonnet
Le mois dernier, j’insistais sur la nécessité pour le militant de se cultiver, plus précisément de cultiver en lui l’amour des chefs-d’œuvre de la civilisation. En effet, notre nationalisme ne doit pas être seulement négatif (réagir aux agressions contre notre identité) mais aussi positif (nourrir cette identité et être capable de l’incarner et de la refléter). La menace représentée par la cancel culture dont on parle beaucoup en ce moment est une preuve supplémentaire de l’importance cruciale du combat culturel. Qu’est-ce que la cancel culture ? Une haine absolue de la civilisation, de la hiérarchie dans les arts, des humanités, une volonté enragée de détruire tous les vestiges de la grande culture au nom de l’égalitarisme et du politiquement correct. La musique classique, la grande littérature, la science elle-même sont sur le point d’être proscrites car trop élitistes, trop sexistes, pas assez multiculturelles, jugées « offensantes » pour toutes les minorités (ou prétendues telles), qu’elles soient ethniques ou sexuelles… on en vient, aux États-Unis, à vouloir bannir Homère des programmes universitaires ! Jamais dans l’histoire, l’extrême-gauche, – celle des campus américains en particulier –, n’a mieux montré son vrai visage, celui d’un antihumanisme radical. L’avenir ressemble de plus en plus aux pires cauchemars des auteurs de romans d’anticipation. Qui sait si demain les dissidents ne devront pas, comme dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, devenir des « livres vivants », apprendre par cœur La Bible, L’Iliade et L’Odyssée, les tragédies d’Eschyle (qu’il devient déjà difficile de représenter sur scène en Sorbonne !) et toutes les autres œuvres majeures de notre civilisation, quand celle-ci seront interdites ou réécrites pour complaire à l’idéologie dominante ? Cette menace n’est plus une prédiction futuriste mais un mécanisme déjà à l’œuvre, dont nous observons chaque jour les progrès effrayants.