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L’éditorial de François Marcilhac

ABERRATION

Louis XV, dans son édit du 3 décembre 1770, en appelait à « un gouvernement sage, qui ne veut régner que par la raison et par la justice. » Ce sont, quasiment, les mots employés par la Conférence des évêques de France, ce dimanche 29 novembre, à la suite de la décision du Conseil d’État rétablissant le droit de culte en France, soulagée de ce que « le droit ait été rétabli et la raison reconnue » — un droit constitutionnel arbitrairement supprimé par Macron quelques jours plus tôt. Car, manifestement, nos gouvernants aurait dû s’inspirer de ces sages propos de Louis XV ou, plus simplement encore, de la devise de Philippe Le Bel, devenue celle de nos rois : « Nous qui voulons toujours raison garder »… Mais nous pourrions encore citer le serment d’Hugues Capet, prononcé le 1er juin 987, à Noyon : « Je promets […] de faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous est confié. » La raison et la justice — ou le droit : dommage que le Gouvernement ait attendu d’y être enjoint par le Conseil d’État pour s’y conformer.

Le comte de Paris, le 26 novembre dernier, avait aussitôt réagi aux annonces du Premier ministre, à la suite de l’intervention télévisée de Macron. Ses propos, toujours mesurés à la juste valeur de l’événement, n’en avaient que plus de force, lorsqu’il observait, après avoir reconnu la difficulté de la situation : « Mais ces derniers jours, il semble que nous ayons quitté le domaine du rationnel. Attestations liberticides, mesures aberrantes de limitation des cultes… Même les citoyens honnêtes sont mis au défi de respecter des règles absurdes, et se sentent de plus en plus étrangers à la manière dont le pays est géré. La confiance envers l’État est durablement entamée. » Malheureusement, quelle confiance peuvent retrouver des citoyens dans un État qui ne retrouve lui-même la voie du bon sens que contraint et forcé ?

Nous n’avons pas pour habitude de nous référer au prétendu modèle allemand. On est toutefois en droit de s’interroger : outre la force de son économie et le fait que l’Allemagne sait tirer parti de l’Europe au mieux de ses intérêts, s’agissant notamment du plan de relance, qui nous coûtera, à nous Français, finalement plus qu’il ne nous rapportera, comment ne pas voir la différence entre un gouvernement d’outre-Rhin plébiscité par deux tiers des citoyens pour son sérieux dans la gestion de l’épidémie, une très bonne situation hospitalière et un nombre de morts du coronavirus très inférieur au nôtre (moins de 20 000 pour une population de 83 millions d’habitants), et notre propre situation ? Avec plus de 52 000 morts rapportés à nos 65 millions d’habitants, la France d’Emmanuel Macron ne fait pas mieux que les États-Unis de Donald Trump (à l’heure où nous écrivons, un peu moins de 270 000 morts pour 330 millions d’habitants). Oui, même si un réflexe légitimiste quasi instinctif en cas de crise grave bénéficie toujours au pouvoir en place, comme si le contester ouvertement ajouterait encore à la gravité de la situation (même Hollande en avait bénéficié après les attentats qui avaient endeuillé la France sous son mandat), il n’en reste pas moins que la confiance des Français dans le pouvoir en place est morte.

Il ne s’agit pas simplement de la personnalité du premier ministre. Certes, c’est parce que, contrairement à Edouard Philippe, il ne serait jamais susceptible de lui porter ombrage que Macron l’a nommé à ce poste. Néanmoins, le choix de la médiocrité se retourne toujours contre son auteur. Car c’est en raison du manque d’autorité du Premier ministre, qui fait penser à celui de Jean-Marc Ayrault — devenu un vrai boulet pour Hollande —, que le gouvernement finit par perdre toute crédibilité, d’autant que les mesures aberrantes et inutilement attentatoires à nos libertés fondamentales sont avalisées par celui-là même qui organisa, ou plutôt rata, le premier déconfinement.

Mais nos gouvernants, Macron le premier, sont à ce point coupés non seulement du pays réel, mais de toute réalité de quelque ordre que ce soit que, plutôt que de chercher à rassembler les Français sur des projets de cohésion sociale et de relance économique, ils continuent de fracturer le pays. Ainsi, de l’article 24 de la loi relative à la sécurité globale, officiellement « proposition » de loi (texte écrit par un ou plusieurs députés), de fait écrite, par le gouvernement, comme tout vulgaire projet de loi, en l’occurrence place Beauvau par les équipes de Gérald Darmanin. D’ailleurs, en voulant créer une commission « indépendante » pour récrire l’article 24, le gouvernement a vendu la mèche, il est vrai maladroitement, d’où la révolte de. certains députés… Tandis que la police, dont certains éléments avaient pris, à l’époque des Gilets jaunes, de mauvaises habitudes avec l’encouragement du Gouvernement, se livre à des exactions que ce même article 24 cherche à recouvrir d’un voile pudique. Dans l’affaire, le gouvernement n’a plus pour véritable allié, outre des députés En marche qui, comme jadis les frondeurs du PS, oublieront vite leurs états d’âme, qu’une partie de la droite, celle qui forme ce parti de l’ordre qui n’est pas tant celui du désordre établi que celui de l’ordre bête — le même qui applaudira aux mesures liberticides du projet de loi visant à renforcer, contre tous les « séparatismes » les principes « républicains » — on ne connaît pas encore son titre exact, qui change tous les jours. On sait en revanche déjà que le texte prévoit de supprimer l’école à la maison… un droit que, pourtant, même la république avait jusqu’à présent toujours reconnu.

Alors qu’une crise sanitaire d’une grande ampleur continue de faire des ravages, qu’une crise économique et sociale d’une plus grande ampleur encore se profile, que l’immigration se poursuit à flots ininterrompus et que le terrorisme sème la mort où il veut en France, voilà que le pouvoir, aveuglé par son idéologie mondialiste, continue de jeter de l’huile sur le feu, en annonçant la reprise prochaine de la réforme des retraites… À ce niveau d’aberrante provocation, peut-on encore croire que la France est pilotée conformément à la justice et à la raison ?

François Marcilhac