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Quand j’entends code noir…

Par Olivier Perceval

Le Code noir, ou Édit servant de règlement pour le gouvernement et l’administration de justice et la police des isles françoises de l’Amérique, et pour la discipline et le commerce des nègres et esclaves dans ledit pays, (archives)

Louis Sala-Molins  (philosophe) dans l’ouvrage controversé : « Le Code noir ou le calvaire de Canaan (1987) » affirme que le code noir sert un double objectif, premièrement réaffirmer  la souveraineté de l’État dans les terres lointaines et en second, favoriser la culture de la canne à sucre. « En ce sens, le Code noir table sur une possible hégémonie sucrière de la France en Europe »

Jean-François Niort, universitaire spécialisé dans l’histoire des colonies, considère quant à lui, prioritairement le Code noir comme une « médiation entre le maître et l’esclave ».

En ce temps de développement des compagnies maritimes autour des nouvelles colonies d’Amérique marquant une concurrence féroce en Europe entre la France l’Angleterre et la Hollande notamment, l’esclavagisme méconnu en France se pratiquait dans les colonies sur le modèle anglais sans autre cadre juridique que l’arbitraire des « propriétaires » d’esclaves.

Le roi louis XIV, sous l’influence de l’Église demanda à Colbert de mettre un peu d’ordre. Aujourd’hui, on peut être horrifié par certaines mesures contenues dans ce texte juridique, mais il faut comprendre qu’à l’époque il était une amélioration de la condition des esclaves et une contrainte lourde pour les propriétaires de cette main d’œuvre gratuite.

Il encourage à baptiser les esclaves, à les instruire, à leur fournir une éducation et une sépulture catholique. Ses rédacteurs pensaient que les Noirs étaient des personnes humaines, dotées d’une âme et susceptibles de salut, conformément aux déclarations papales de 1537 (Veritas ipsa). L’interdiction de mise en esclavage de tout peuple déjà connu ou venant à être découvert reste hélas passée sous silence.

Cette ordonnance tranche le débat juridique sur le statut des enfants métis, à une époque où le développement de la canne à sucre et de la traite négrière à grande échelle abaisse l’espérance de vie des esclaves, qui n’acceptent plus d’avoir des enfants qu’avec des Blancs, dans l’espoir qu’ils puissent être libres

Le Code noir déclare que l’enfant naturel d’une esclave est forcément esclave, sauf si le père est libre et de ce fait contraint au mariage par l’article 915. (article 13) selon le principe de droit romain partus sequitur ventrem

Avoir un enfant avec une esclave lorsqu’on est déjà marié est puni d’une amende de deux mille livres de sucre et par la confiscation de l’esclave (article 9). Si le maître n’est pas marié, il doit l’épouser et l’esclave et l’enfant deviennent libres.

Il résulte que le code noir, aussi contestables puissent en être les termes, surtout aujourd’hui avec les références de notre temps, a voulu donner un cadre légal et un peu humanisé à une pratique barbare sans autres règles que celles de l’arbitraire des « propriétaires » ceux-là même qui précipiteront la fin de la monarchie moins d’un siècle plus tard au nom de la liberté, sous-entendu, celle d’exploiter librement la force humaine de travail sans contraintes.

Rappelons au passage que l’esclavage n’était pas une exclusivité de l’Occident, et que les royaumes du continent africain le pratiquaient presque partout, bien avant l’arrivée du premier blanc, n’hésitant pas à vendre leurs propres ressortissants à des marchands arabes. Cela n’exonère pas les esclavagistes européens, mais les descendants d’africains devraient commencer par balayer devant leur porte et battre leur propre coulpe au lieu de la battre sur la poitrine des descendants de blancs, lesquels n’étaient pas tous esclavagistes.

Mais peut-être qu’après-tout, la repentance sur les actes de nos ancêtres, qu’ils soient blancs ou noir, constitue-t-elle une démarche stérile sans autre conséquence que de créer aujourd’hui des inimitiés en dressant les noirs contre les blancs, comme si toute la planète était sur le modèle américain ?

Les petits groupuscules enragés qui battent l’estrade, ne sont heureusement pas représentatifs dans notre pays où le racisme est une notion très peu partagée. Mais l’écho qui leur est offert par les médias et les politiques est totalement indigne et dangereux.

Qu’on laisse la statue de Colbert à sa place et que l’on arrête de multiplier les vexations symboliques qui risquent d’attiser des haines inédites et nouvelles chez nous. En revanche, remettons l’enseignement de l’Histoire en bonne place contrairement aux réformes successives qui l’ont réduite comme peu de chagrin pour ne laisser trop souvent que des jugements par trop anachroniques.

Sinon ça risque de « flinguer » à tout va.