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L’éditorial de François Marcilhac

DIEU, QUE LA PANDÉMIE EST JOLIE !

LE JOUR D’APRÈS est un de ces films américains, mêlant, comme souvent, catastrophe et science-fiction, l’avenir, surtout inventé, n’étant plus depuis longtemps aux jours radieux. Le film est de 2004. Il avait été assez amusant, en 2007, de voir Sarkozy qui, pourtant, devait s’y connaître en films américains, reprendre le titre comme slogan de campagne. Car ce « jour d’après » décrit un monde « d’après » bouleversé, anéanti. Que le climat soit responsable, en grande partie, de cette destruction, ne fait que rendre le film toujours plus actuel, du moins auprès d’un certain public. Macron, renouant avec le progressisme, avait, lui, préféré parler, en 2017, de « nouveau monde ». Était-ce plus judicieux ? Car ce « nouveau monde » pouvait, comme le « jour d’après » sarkozyste, se retourner contre son auteur, ce « nouveau monde » se voulant meilleur, voire le meilleur des mondes…(d’Huxley) Et si le  « jour d’après », en raison du coronavirus, réalisait une synthèse réussie avec un autre ouvrage d’anticipation : 1984… : l’instauration du meilleur des mondes supposant celle d’un État totalitaire…?

Nous ne sommes d’ailleurs pas le premier à faire remarquer que la limite de 100 kilomètres autour de chez soi pour circuler, prévue par le gouvernement, est tirée du roman de George Orwell… Nous ferons également remarquer que le premier texte législatif, en quelque sorte ordinaire, c’est-à-dire qui ne soit plus lié à la pandémie, sur laquelle l’Assemblée se penchera, cette semaine, dans un retour progressif à la normale, est la lecture définitive de la proposition de loi de la macronienne Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet, texte qui est à lui seul …un contenu haineux contre la liberté d’expression.

Et pourtant, nous n’en sommes pas encore au jour d’après. Le gouvernement nous l’a assez répété : le retour à la normale n’est pas pour sitôt et sa date, encore inconnue, pourrait même être repoussée si nous ne sommes pas sages. Et si, justement, la nouvelle normalité était ce que nous vivons d’ores et déjà ? Et si le gouvernement, comme il l’a fait pour le terrorisme dès 2017, faisait de l’état d’exception la nouvelle norme ? Et si, s’appuyant sur le sentiment de peur, il en profitait pour brider toujours davantage les libertés publiques ?

Le comte de Paris, dans son premier journal de bord du dé confinement est la seule voix autorisée à s’en inquiéter, peut-être parce qu’il appartient à une longue lignée dont la préoccupation constante fut d’assurer aux Français en même temps — redonnons à cette expression galvaudée toute sa noblesse —, justice, liberté et sécurité. « Notre système, note-t-il, s’est appuyé sur la coercition (sommes-nous tous des criminels en puissance ?) plutôt que sur la responsabilité des personnes ou des corps intermédiaires, avec un contrôle quasi inexistant du Parlement et des ministres adeptes du “faites ce que je dis et non ce que je fais” ! Nos institutions, par l’absence de tout principe supérieur, poussent chacun à se défausser de sa responsabilité sur d’autres, ou sur des sciences qui sont par définition inexactes. 

Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que je n’ai vu ni entendu quasiment aucun homme politique évoquer cette question des libertés et droits fondamentaux. Si personne ne les défend, pourquoi ceux qui les restreignent se gêneraient-ils ? Pourquoi n’envisageraient-ils pas demain un état d’urgence environnemental, social, etc. ? Cette crise a de toute façon déjà changé le sens des mots, puisque jusqu’à maintenant l’état d’urgence n’était employé qu’en temps de guerre alors que nous ne sommes pas en guerre ! »

Oui, le sens des mots est changé : on sait même que ce changement est une des bases du système totalitaire anticipé dans 1984. Et malheureusement, cela n’a pas commencé avec le coronavirus, ni même avec Macron. Sur le plan sociétal, comme on dit désormais, le sens des mots a changé depuis plus longtemps encore. Ainsi du mariage dès 2013…

Il est un fait, en tout cas : le gouvernement n’a pas chômé depuis deux mois. Qu’il s’agisse de la privatisation accélérée de la Poste ou de l’Office nationale des forêts, de l’aggravation du libre-échange aux dépens notamment de nos agriculteurs, dans le cadre d’un traité européen avec le Mexique, de l’ouverture par l’UE de négociations avec la Macédoine et l’Albanie, de la subvention par l’argent de nos impôts d’entreprises françaises établies dans les paradis fiscaux au prétexte de la pandémie (la liste est loin d’être exhaustive) : le gouvernement a travaillé, agissant par lui-même ou avalisant ce que l’UE décidait, prenant bien soin, comme à l’accoutumée, que ce soit au détriment des Français, au détriment de l’intérêt national.

Les discours n’y feront rien : seuls comptent les actes. Nous avons dit dans un précédent éditorial ce qu’il fallait penser de la souveraineté européenne, concept creux ou monstrueux, selon qu’on l’envisage. Dieu, que la pandémie est jolie ! Voilà ce que doit penser un gouvernement qui, détournant depuis deux mois, grâce à des médias d’une servilité exemplaire, l’attention des Français de sa politique générale, en profite pour l’aggraver à petits traits, sans qu’on y prenne garde, tout en faisant adopter des législations d’exception qui laisseront des traces. Le pire est que cela se fait avec la complicité de Français apeurés ou qui croient encore que le pouvoir est au service de l’intérêt général, ou ne le croient plus, mais accélèrent le mouvement avec cynisme. Des médecins sont prêts à violer le secret médical auprès de l’Etat sans garantie aucune denon-réutilisation et de destruction des données une fois la pandémie devenue un mauvais souvenir — mais on nous fait bien comprendre qu’il faudra « vivre longtemps avec », comme on nous l’a déjà dit pour le terrorisme ; des opérateurs numériques, dont on sait le peu d’appétence pour la liberté réelle et le goût prononcé pour la bien-pensance généralisée, s’apprêtent à aider le pouvoir dans son flicage généralisé de la population, entre deux « trackings » de discours haineux sur les réseaux sociaux ; les banques et Bercy, dans un ensemble émouvant, espèrent quant à eux que la promotion « sanitaire » du paiement par carte bancaire finira de convaincre les Français que les espèces, et, surtout, la non-traçabilité des achats et la maîtrise de ses comptes bancaires,  bref sa vie privée et la garantie de son avenir, ce n’est pas seulement ringard, c’est surtout dangereux pour la santé… Petit à petit, le pouvoir et l’ensemble du pays légal redessinent la figure du bon citoyen, du citoyen vertueux, du bon Troglodyte… Qui ne se souvient que, dans un de ces premiers textes totalitaires de notre philosophie politique, Montesquieu justifiait qu’on traitât « comme des bêtes » ceux qui ne se conformaient pas au modèle dont il avait lui-même dessiné les contours ? A quand la mise dans des réserves de sauvages des mauvais Troglodytes ? La synthèse de 1984 et du Meilleur des mondes… Sommes-nous déjà au Jour d’après ?

François Marcilhac