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L’assassinat de Shinzo Abe : l’héritage politique d’un samouraï moderne inquiète Pékin 

Par Ludovic Lavaucelle (LSDJ)

L’ancien Premier Ministre japonais est tombé sous les balles d’un individu inconnu des services de police le 8 juillet dernier. L’assassin de 41 ans s’est laissé arrêter sans opposer de résistance et n’a mentionné aucun motif politique à part le soupçon que sa victime appartienne à un obscur groupe religieux… Shinzo Abe donnait un discours pour soutenir son parti, le PLD (Parti Libéral-Démocrate) associé à la droite nationaliste, dans le cadre de la campagne électorale se terminant avec un vote le 10 juillet dont l’objet était de renouveler la moitié du Sénat. Abe, le Premier Ministre resté en exercice le plus longtemps de l’histoire du Japon (son second et principal mandat a duré de 2012 à 2020), est resté très populaire. Sa mort a profondément choqué un pays où le contrôle des armes à feu est particulièrement strict. Les conséquences politiques ont été immédiates : la participation au scrutin a atteint 52% (contre 49% en 2019) et la coalition constituée autour du PLD a remporté 76 des 125 sièges en jeu. Elle en occupe désormais 146 sur 248 et détient une « super majorité ».

Les conséquences géostratégiques de ces événements internes au Japon sont majeures, met en avant Aaron Sarin pour Quillette (voir son article en lien). Alors qu’en Europe l’Allemagne annonce son réarmement, un mouvement similaire s’accélère chez son ancien allié. L’opinion japonaise semble prête à suivre le mouvement initié par Shinzo Abe : l’abandon du pacifisme pour faire face à la menace que représente le Parti Communiste Chinois (PCC) dans la région. D’ailleurs, les résultats de l’élection donnent le pouvoir au Premier Ministre actuel Kishida de modifier la constitution pour renforcer le rôle militaire de son pays sur la scène mondiale. C’était le projet de Shinzo Abe de ne plus limiter le rôle de l’armée à une force de défense domestique. Un tel changement de la constitution serait l’aboutissement d’une lente évolution. En 2001, les militaires nippons ont été autorisés à combattre le terrorisme à l’étranger. En 2015, on leur a permis de défendre des alliés en dehors de leur archipel… Une nouvelle étape s’annonce alors que Shinzo Abe s’était affiché comme un ennemi du PCC en soutenant avec force Taïwan. Il critiquait vertement la position ambigüe de l’Oncle Sam qu’il estimait dépassée. Les États-Unis devaient, selon lui, adopter une fermeté totale face à Pékin et affirmer leur volonté de défendre l’île rebelle en cas d’invasion. Abe a été l’architecte d’une alliance (« Quad ») entre l’Australie, l’Inde et les É.U. en faisant la promotion de la libre circulation maritime alors que la Chine communiste étend son ombre au large de son littoral. Palliant les incohérences diplomatiques américaines, Shinzo Abe a facilité la mise en place d’un accord commercial majeur pour la zone Pacifique (« Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership ») qui impose des règles strictes sur le respect de la propriété intellectuelle ou sur le rôle de l’État dans les entreprises. Autant de barrières face au PCC pour qui la prédation et la fraude sont des conditions de survie économique…

L’ancien Premier Ministre nippon était un visionnaire : il a compris combien la globalisation servait le régime totalitaire chinois. Son administration a dépensé 244 milliards de yens (1,75 milliard d’euros) pour encourager les firmes japonaises à diversifier les sources d’approvisionnement, et ainsi moins dépendre des usines chinoises. Shinzo Abe a prévenu ses homologues européens qui accueillaient avidement les promesses économiques de la « nouvelle route de la soie ». C’était pour lui un piège permettant au PCC d’étendre son emprise sur des pays devenus ses débiteurs.

La mort du samouraï Abe pourrait donc convaincre une population japonaise à franchir un nouveau cap vers un réarmement total. Le pouvoir chinois ne s’y trompe pas. Si les réseaux sociaux chinois ont qualifié l’assassin de « héro », Xi-Jinping s’inquiète de la montée en puissance de « forces d’extrême-droite » au Japon. La rivalité entre les deux pays est nourrie par une histoire de détestation et de guerres virant aux massacres. L’épisode du sac de Nankin en 1937 est dans toutes les mémoires : on estime que les troupes japonaises ont commis en 6 semaines des dizaines de milliers de viols et exécuté des centaines de milliers d’habitants… Cet épisode est, à l’inverse, mis de côté par les manuels d’histoire japonais, voire nié par certains politiciens. La suite sur LSDJ : 

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