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Expliquer, sans approuver, la réaction du Général Lecointre

Par Olivier Perceval

Une lettre ouverte, cette fois-ci rédigée par des militaires en activité, est adressée aux décideurs de notre pays. Certains journalistes se disent choqués par le caractère anonyme de cette missive, comme si ces intrépides défenseurs de la transparence et de la vérité, quoi qu’il en coûte, ignoraient le sort qui serait réservé par la hiérarchie à ces jeunes officiers pères de famille si jamais leur nom était publié.

« Nos aînés, ce sont des combattants qui ont mérité qu’on les respecte. Ce sont par exemple les vieux soldats dont vous avez piétiné l’honneur ces dernières semaines […] Ces gens qui ont lutté contre tous les ennemis de la France vous les avez traités de factieux alors que leur seul tort est d’aimer leur pays et de pleurer sa visible déchéance. Dans ces conditions, c’est à nous, qui sommes récemment entrés dans la carrière, d’entrer dans l’arène pour avoir simplement l’honneur d’y dire la vérité. »

La violence de la réaction réservée aux anciens cadres qui s’étaient exprimés par devoir, était effectivement en décalage total avec la gravité de l’objet. On fait de la discipline, alors que le sang coule et qu’on parle du danger d’une guerre civile dans un futur proche. De même, le mépris affiché par les ministres, envers ces loyaux et méritants serviteurs de la patrie est consternant. Mais cela fait longtemps que nous n’attendons plus rien de nos ministres.  En revanche, nous attendons plus du CEMA (Chef d’État-Major des Armées). Le général Lecointre est un grand soldat, toute sa carrière en atteste, alors que s’est-il passé ?

Comme le rappelle « Valeurs actuelles », lui qui dénonçait en 2018 le mutisme militaire et le droit et devoir de désobéir semble avoir changé d’avis. Ce militaire de valeur avait rendu par ailleurs hommage aux Invalides au général Maurin, ancien CEMA, qui avait pourtant publié dans le Figaro en 1988, avec 45 généraux du cadre de réserve, une tribune critiquant sévèrement le président de la République.

Je ne peux pas croire que cet authentique soldat soit tout à coup devenu un arriviste, ce qui pour un général cinq étoiles, chef d’état-major des armées est peu crédible tant on peut penser qu’il est arrivé au faîte de sa carrière. Je pense que d’autres raisons plus honorables l’ont amené à se positionner ainsi.

Le CEMA et le ministre de la défense sont engagés dans un vaste projet de renforcement des moyens et de modernisation de l’armée et répondent en réalité aux attentes exprimées avant son éviction par le précédent Chef d’état-major, Pierre de Villiers.

Que ce soit pour l’armée de terre avec Le programme SCORPION (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) qui, a pour objectif de renouveler et moderniser les capacités de combat de l’armée de Terre grâce à l’arrivée de nouveaux véhicules blindés comme le GRIFFON et le JAGUAR.

Ou pour la modernisation de la marine (projet de deuxième porte-avion qui piétine) et de l’aviation, avec une augmentation significative du budget dans le cadre de la loi de programmation militaire.

            On ne peut contester l’effort et le travail en binôme de la ministre et du CEMA, qui ont agi aussi pour la valorisation commerciale de notre matériel militaire, ce qui permet de développer une industrie indépendante d’armement française.

Au milieu de cette ébullition, toute fausse note pourrait contrarier une dynamique fort positive.  La réaction énervée du CEMA peut s’expliquer de son point de vue par l’inopportunité de cette lettre ouverte, au moment où il a su créer une relation de confiance avec le président et la ministre de la défense.

Cette incompréhension est regrettable, car, bien évidemment elle a pris une tournure politique, dans le contexte des présidentielles et on ne peut décemment reprocher à

Marine Le Pen de tendre la main aux auteurs de la lettre, puisque le Front National, devenu le Rassemblement national proclame ce message depuis des lustres. Elle eut été incohérente si elle ne l’avait pas fait.

Le général d’armée Lecointre a eu tort de réagir aussi vivement et surtout injustement, mais on peut penser, comme il semble qu’il ait déjà commencé à le faire, qu’il revienne sur ce geste de colère pour apaiser ses relations avec les anciens qu’il respecte naturellement, car c’est une tradition dans l’armée de les honorer.

Pour ma part, je me désolidarise de ceux qui écrivent les pires ignominies sur le CEMA, devenu soudain un traitre à la patrie. Tout son parcours dément ces accusations. Mais bien sûr, j’ai été choqué comme tous les patriotes qui voient le pays sombrer, par la manière dont lui-même a traité ces généraux couverts d’honneur, dont le seul tort était de manifester leur inquiétude face à la montée de la violence dans notre pays. Mon général, non il n’y a pas risque de putsch, mais il y a grande pitié dans le royaume de France !