You are currently viewing Terminer le travail des bourreaux…

Terminer le travail des bourreaux…

Par Morgan Cordier

Répéter incessamment un mot ou une expression révèle plutôt une absence de conviction.

Le « vivrensemble », érigé en valeur sociétale, existerait-il ? Sûrement chez ceux qui en parlent le moins ! Mais qu’en est-il des maîtres en sensibilité, des orgueilleux combattants de la valeur humaine, d’un « gens de gauche » ou d’un frais rebelle estudiantin ?

La mode empathique pousse de grandes âmes à exécuter en effigie des victimes vraiment innocentes. Passer devant des affichettes déchirées des portraits des kidnappés israéliens ou des belles personnes, comme Philippine, Killian, Thomas, Lola… atrocement assassinées, ne peut que provoquer de l’effarement, de la colère et… de la réflexion.

Les deux premiers sentiments n’ont pas à être explicités, toute personne doit ressentir ce saisissement de l’âme humaine face à un acte barbare. Si l’on pense à la portée de ce geste, l’effacement d’une personne ou l’écorchement de ces visages parce que la colle de l’affiche tient bon et qu’une partie des sourires manquent, ces gueules cassées du XXIe siècle, causé par des individus voulant se montrer, mais cachés, justiciers des bonnes causes, il est nécessaire de s’arrêter pour comprendre la portée de tels actes et, même si un panneau d’affichage public n’est pas un lieu adapté, de s’interroger.

Ces affranchis du respect sont connus, leurs slogans d’amour aussi : « siamo tutti antifascisti », « Israël est un État fasciste »… Leurs leçons ne sont que politiques et sûrement pas d’affection, alors que les victimes, dans leur solitude effrayante ou leurs souffrances devant la mort, auraient besoin de recevoir nos témoignages et nos pensées de fraternité humaine. Mais leur rancœur les aveugle et les déshumanise. Ils déchirent au lieu de compatir. Ils finissent le travail des bourreaux !

Je ne les crois pas assez solides pour ne serait-ce qu’affronter verbalement leur contradicteur, tout bodybuildés de la générosité qu’ils prétendent avoir, mais leur acte est bien synonyme de barbarie. S’en prendre à l’image d’une personne était assimilé à une peine de compensation pour envoyer les criminels en enfer. Eux, ils condamnent à l’exécution en effigie des innocents. C’est leur âme qu’ils veulent annihiler, mais au nom de quoi ? D’une autre cause. Faut-il opposer les victimes entre elles, les principes entre eux ? Après le recueillement, l’échange, la discussion et l’explication ne seraient-ils pas plus intéressants et dignes de la raison ?

Passer devant ces affiches déchirées est révoltant, mais il n’est pas sain de rester dans cette confusion mentale, il ne faut pas céder à cette haine, je ne souhaite que pouvoir assister à ces gestes odieux pour interroger ces personnes sur leur ressenti personnel et non pour entendre une logorrhée prosélyte injustifiable. Où placent-t-ils leur sacralité, en espérant qu’ils en aient une !

L’être humain n’est pas une méthode scientifique, il a en lui ce souffle de vie qui le relie aux autres et qui l’empêche instinctivement d’aller contre la loi naturelle. Malheureusement, l’idéologie, fruit toxique de la raison, aveugle. Un animal devant le double que lui renvoie un miroir est à tout le moins troublé par son image. Certains hommes ne réussiraient-ils plus à éprouver une réaction naturelle dans notre monde tellement civilisé ?

Il y a beaucoup d’interrogations dans ce texte, mais l’étonnement vient de l’incompréhension sur l’agissement de personnes qui, souhaitons-le, reviennent à la raison… et aux sentiments !