Par Ina Phisinov
C’est un beau Romans, c’est une sale histoire,
C’est de la violence d’aujourd’hui…
depuis la mort du jeune Thomas, la semaine dernière, sauvagement tué alors qu’il faisait la fête avec ses amis dans un bal de village, plus aucun Français n’ignore l’existence de la petite ville de Romans-sur-Isère qui fait la Une de tous les médias. Le site internet de la ville, outre les onglets « Allô Mme le Maire », « Espace citoyens » et « Label Marianne », indique que Romans « s’appuie sur son histoire pour construire son avenir », parle d’une « qualité de vie incomparable », de sa « douceur de vivre », décrit le « Conseil Municipal des Jeunes, composé d’écoliers de CM1 et CM2 élus par leurs pairs » dont le but est de « favoriser la participation des jeunes à la vie démocratique de la Ville »…
Mais cessons de lire des articles, de regarder des images télévisées, tous commandés par ailleurs et donc empreints de certains biais, et rendons-nous sur place pour écouter, voir, échanger avec les Romanais. Arrivant de l’autoroute, le « patrimoine architectural riche et varié » ne saute pas aux yeux ! Comme toutes les villes françaises, hélas, Romans accueille d’abord ses visiteurs en leur montrant l’étendue de ses bien moches zones commerciales avant de leur faire traverser le quartier de la Monnaie et ses fort disgracieuses barres d’habitation.
Parvenant enfin sur la place Jean Jaurès, l’escarpin rouge de Charles Jourdan, bien que gigantesque, ne peut masquer les véhicules de police stationnés en nombre et leurs occupants répartis alentour. Mais ne nous interrogeons pas sur leur présence : la veille, des jeunes venus de toutes les régions de France ont défilé dans les rues de la Monnaie pour se souvenir de Thomas en marchant derrière une banderole « Justice pour Thomas, ni pardon, ni oubli ». Pendant notre échange, une trentaine de personnes se regroupent autour d’un drapeau tricolore, « Il faut les disperser ! », entendons-nous circuler. Pourquoi ? Face aux forces de l’ordre, en effet, deux ou trois quinquagénaires, des jeunes filles portant beau les talons hauts et quelques jeunes gens. Pourquoi les disperser ? À partir de combien d’individus, un rassemblement est-il considéré comme indésirable ? Telles sont les questions que nous posons à un agent des forces de l’ordre. « C’est à partir de maintenant ». Merci pour tant de précision…
Partons dès lors à la rencontre des commerçants, le pouls d’une société…
- l’une d’entre eux est effondrée quand nous l’interrogeons. Elle faisait partie de l’organisation du funeste bal : « Comment des jeunes peuvent-ils, sans raison, en tuer d’autres à notre époque ? »
- une autre s’inquiète de son chiffre d’affaires : « Comment les clients peuvent-ils avoir envie de sortir faire des emplettes avec tous ces policiers dans les rues ? »
- une autre encore semble avoir la solution : « Une paire de claques pour qu’ils comprennent… mais il faut bien que jeunesse se passe ».
Au vu de ces commentaires, de ces réactions, je reste sans voix. Comment peut-on avoir l’impertinence de penser que le déploiement toujours plus spectaculaire des forces d’un ordre qui ne vit que pour lui (hier dimanche, pour trente à quarante personnes rassemblées pour pleurer un adolescent assassiné, deux groupes de crs étaient présents, dont les agents de la crs 8, soit une centaine d’hommes en bleu) pourrait ramener le calme dans notre pays ? Comment espérer refaire une société à partir d’un agglomérat d’innombrables cénacles œuvrant seulement à leurs intérêts personnels sans aucune envie de tradition commune.
Repartant de Romans, la traversée du magnifique village de Crest confirme la mort de la France qu’ont connue nos ancêtres. En effet, affiché sur la porte d’un lieu de convivialité destiné aux habitants, le programme de la semaine : mardi 7 novembre sont invités les « Pédé.es, cis, trans, intersexe, non-binaires, asexuel.les et/ou en questionnement », mardi 14 novembre sont les bienvenues les « Personnes racisées, non blanches », quelle belle union fraternelle… Quelle belle société que celle que nous constituons pour nos enfants demain… !! Les slogans scandés, tels des mantras, par les hommes politiques au fil des campagnes électorales qui toujours se ressemblent ne font pas florès. Les « Nous tous », « Ensemble changeons d’avenir », « Les jours heureux », « L’avenir en commun », « Le courage de faire », tous restent lettre morte… et la situation se dégrade chaque jour davantage. Après Lola, Enzo, Thomas, combien d’autres encore avant de réagir vraiment, avant de régler le vrai problème, celui dont on ne veut pas parler ??? La peur conduit à notre perte…