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Zelensky, la palme d’or de la mise en scène

Par Paul Voltor 

A chaque fois, c’est toujours la même image. A l’ONU, dans les assemblées nationales de partout, aux Grammy Awards et maintenant à Cannes pendant la cérémonie d’ouverture. Le même visage sévère, la même figure de redresseur de torts, en gros plan entouré de ses drapeaux comme des oripeaux de sa gloire, en léger surplomb sur une salle bondée et engoncée dans ses apparats, on croirait voir une réinterprétation de Big Brother et on attend à tout moment de voir le doigt accusateur de l’assiégé se tendre sur les têtes privilégiées.

Indulgence plénière pour le PAF

Cette fois-ci, c’est à une salle remplie de smokings, de robes de couturier, de bijoux qu’il a opposé son torse bombé. L’auditoire lui était acquis comme devant les députés de partout. Tous étaient trop contents de pouvoir se draper de bonne conscience en public. Se lever et applaudir Zelensky devant les caméras, c’est comme recevoir une indulgence plénière, les années de purgatoires médiatiques s’en trouvent immédiatement rabotées. C’est mieux que les Restos du Cœur. Surprise ! Devine qui s’invite à ton webinaire ce soir ? Zelensky. Tous les journalistes s’accordèrent pour dire que le secret avait été bien gardé. On avait pourtant senti les choses venir. Le discours d’ouverture porté par un Vincent Lindon au sérieux toujours comique avait maquillé de niaiserie conscientisée manichéenne toutes les faces au cul-de-poule du PAF réunies pour l’occasion.

Le baroudeur en kaki a affiché son même air concerné par le réel qu’il affiche en permanence. Il a adapté le wording à son auditoire. Une référence à l’odeur du napalm dans Apocalypse Now. Une référence à Charlie Chaplin, « Il nous fait un nouveau Chaplin. », proclame-t-il ! Cette manie d’être dans l’imitation. On pourrait innover. On n’est pas obligé de singer Churchill quand on est un chef d’état. On n’est pas obligé de faire le Charlot pour faire du cinéma engagé. Zelensky serait-il atteint de la même maladie que Macron, l’imitateur des présidents ? Le souci n’est pas d’être un bon acteur mais plutôt de manifester sa conscience de l’être, de se goûter en public et ainsi révéler tout son mépris du peuple. Godard ne s’y est pas trompé. Il déclare sans crainte aucune du bannissement culturel : « L’intervention de Zelensky au festival cannois va de soi si vous regardez ça sous l’angle de ce qu’on appelle « la mise en scène » : un mauvais acteur, un comédien professionnel, sous l’œil d’autres professionnels de leurs propres professions. » Et bientôt Zelensky à Roland Garros, aux Vieilles Charrues, au Printemps de Bourges, au Marrakech du Rire ? Il va finir par faire penser à ces médecins qui passaient plus de temps à la TV qu’en bloc opératoire pendant la crise Covid.

La dictature va peut-être perdre, la dictature de l’opinion va sûrement gagner

La guerre en Occident se fait donc sur tous les terrains sauf celui des opérations. C’est le monde à l’envers. Le sport, le cinéma, les affaires sont nos outils de vengeance vis-à-vis de l’agresseur du pays presque ami. Alors même que le sport, la culture et le commerce international ont toujours été considérés comme des outils pour garantir la paix sur le long terme, alors qu’ils ont toujours servi d’outils diplomatiques, ils sont là instrumentalisés pour éviter de faire la guerre réelle tout en hypothéquant la paix à long terme. La lâcheté est un projet de long terme. Nous avons les armes de l’embusqué. Tout ce qui est censé être un point de ralliement est détruit. Depuis que la guerre passe à la télé, depuis que la guerre est une guerre d’images, nos actions diplomatiques ressemblent à l’hameçonnage qui nous permet de prolonger l’hypnose collective jusqu’à la saison prochaine. Godard goûte cette propension à abîmer le réel dans notre fiction, cette tendance à grand-remplacer le réel par notre jouissance : « Maintenant, imaginez que la guerre elle-même soit cette esthétique déployée lors d’un festival mondial, dont les parties prenantes sont les États en conflit, ou plutôt « en intérêts », diffusant des représentations dont on est tous spectateurs… vous comme moi. ». Et oui, on y est depuis plusieurs années. On joue avec le hors-champ au journal TV comme au cinéma. On montre donc on cache. Quand l’OTAN frappe, ce sont des frappes chirurgicales, même si depuis 1990, on compte 1 million de morts dont 350 000 civils. Et pour les concurrents, car Poutine est plus un concurrent qu’un ennemi depuis qu’il imite l’Occident dans sa propension à habiller ses boucheries impérialistes en interventions humanitaires, donc pour les concurrents, nos productions journalistiques n’attendent pas une seconde pour qualifier de génocides des actes de guerre.

Zelensky à Cannes affirme : « La dictature va perdre. » On le souhaite bien sûr, mais il serait bon aussi de souhaiter que la dictature de l’opinion perde aussi. Godard déclare : « Il aura donc fallu la mise en scène d’une énième guerre mondiale et la menace d’une autre catastrophe pour qu’on sache que Cannes est un outil de propagande comme un autre. Ils propagent l’esthétique occidentale, quoi… » Et la culture n’est plus qu’un véhicule idéologique comme dans les dictatures que l’on dénonce. Notons que pour l’ukrainien Sergei Loznitsa, le boycott systématique des artistes russes est « grotesque ». Le pauvre a été logiquement écarté de l’Académie cinématographique d’Ukraine.

C’est sous nos bombes que l’on meurt depuis trop longtemps

Je ne supporte plus qu’un dirigeant étranger, qui a bombardé sa population pendant des années, vienne nous faire la leçon dans nos salons et salles de gala. De quel droit vient-il se plaindre à nous de subir la guerre ? De quel droit vient-il réclamer davantage d’armes et le gel de toutes relations culturelles, sportives et commerciales avec la Russie ? Bien sûr, nous ne sommes pas meilleurs que lui comme nous ne sommes pas meilleurs que Poutine, puisque ce sont nos bombes qui tuent à travers la planète depuis des décennies, soit par l’action du commerce d’armes, soit par les guerres humanitaires que l’on a menées de façon légale ou illégale. Dans cette guerre d’Ukraine, on a choisi l’OTAN plutôt que l’ONU, les armes plutôt que les casques bleus. La diplomatie n’est pas à l’œuvre. Macron peut toujours passer ses coups de fils à Poutine, il n’a rien dans sa valise diplomatique, même pas les accords de Minsk, dont l’application aurait pu nous obtenir un cessez-le-feu rapide. Mais tout le monde est trop content de cette guerre où chacun teste sa puissance. Encore Godard remet tout le monde à sa place, c’est-à-dire dos à dos : « Brutus, Néron, Biden, ou Poutine, Constantinople, l’Irak ou l’Ukraine, il n’y a pas grand-chose qui a changé, mise à part la massification du meurtre. »

Si nous sommes coupables d’une chose en tant qu’occidentaux c’est d’avoir emmené Zelensky dans cette galère, le pion de l’OTAN a agi avec zèle, comme un dictateur africain installé depuis le coup d’Etat de 2014 légitimé par de belles figures comme Bernard-Henri Lévy. Et maintenant qu’il a fait tout ce qu’il a cru qu’on attendait de lui, il s’étonne d’être seul sur le front… Il avait pourtant bien servi les intérêts atlantistes depuis le début, il avait pourtant bien joué le jeu antirusse, il avait pourtant bien mis son appareil d’état mafieux et nationaliste au service du wokisme de l’international capitaliste. Le pauvre continue à faire le job comme une mascotte atlantiste de festival en festival et le peuple meurt. Ni l’Otan, ni l’UE, ni l’ONU n’arrêteront Poutine dans son imitation de l’occident impérialiste. La guerre froide qui vient de renaître s’installe pour longtemps. La paix ne sera plus qu’un moment de la guerre froide. Et Zelensky cèdera sa place à un autre acteur pour maintenir le PAF et son public au bon niveau de soumission intellectuelle aux intérêts atlantistes.