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L’EDITORIAL de FRANCOIS MARCILHAC

PRÉSIDENTIELLE : L’EFFONDREMENT D’UN MYTHE

La campagne électorale pour la présidentielle confirme toutes nos craintes. C’est à un point inégalé que les querelles de partis ou d’égos l’emportent sur l’intérêt général, le politicien sur le politique. Rien de quoi nous étonner, assurément, mais il est bien loin, dans les limbes d’un roman institutionnel fantasmé, que ce dialogue du peuple avec un homme, censé garantir le Bien commun, qu’avait dit vouloir instaurer le général de Gaulle. Nous assistons en direct au délitement de nos institutions, à l’effondrement sur elle-même de la Ve république à travers l’affaissement de son élection-socle. Les pitreries de la primaire populaire de la gauche, dans le cadre de laquelle les votants, prenant leur revanche sur leur prime adolescence, ont noté les candidats comme les profs ne le font plus au collège, ne sont qu’un nouvel épisode de cet affaissement sans précédent d’une élection qui ne sert plus qu’à préparer le coup politicien suivant. Ce qui en dit long sur l’affaissement de la fonction présidentielle elle-même, dans le cadre d’une Europe qui ôte aux Etats, du moins à ceux qui se laissent faire, leur souveraineté réelle. En effet, qu’on ne s’y trompe pas : le délitement de nos institutions, l’échec définitif du mythe d’une Ve république refondant le pacte politique, ne signifie pas que nous nous dirigions vers une instabilité chronique, même si rien n’est à exclure. Un nouveau point d’équilibre peut être trouvé, est même déjà recherché par nos élites : dans le renoncement de la France à exister au sein d’une prétendue souveraineté européenne.

L’état des forces en présence

La gauche est en miettes, ce qui nous laisse indifférent, celle-ci ayant définitivement renoncé à la fois au fait national et au fait populaire, à l’exception de Fabien Roussel qui fait mine, il est vrai de manière cosmétique — n’est pas Georges Marchais qui veut —, de renouer avec le discours populiste traditionnel du parti communiste, en cherchant à occuper un espace que Jean-Luc Mélenchon lui a abandonné. Ce dernier a en effet préféré l’indigénisme, l’intersectionnalité et l’entrisme islamiste et racialiste, au républicanisme robespierriste qui n’est plus là que pour la façade.

La droite, quant à elle, cherche à survivre en continuant de se dissoudre dans le centrisme. Valérie Pécresse a du mal à convaincre qu’elle représente une véritable alternance à la macronie, surtout depuis qu’elle ne cesse d’afficher, comme un pied de nez à Ciotti, incarnation autoproclamée au sein de LR de la droite dite de conviction, le soutien total que lui apporte l’UDI. Sa volonté, sans imagination, de refaire du Sarkozy, comme on réchauffe un plat, en dit long à la fois sur le manque d’inventivité du parti « gaulliste » en voie de décomposition et sur un cynisme qu’on serait presque tenté de qualifier de naïf : qui croit encore au kärcher ? LR et le parti socialiste ne sont plus que des survivants du siècle dernier. La lenteur de leur agonie ne tient qu’aux positions, voire aux forteresses qu’ils détiennent encore « en régions », comme disent les technocrates, et qu’on confirmées les dernières élections régionales et départementales. Mais ces dernières n’ont fait que reconduire des équipes sortantes, indépendamment, presque, de leur couleur politique. Mais combien de temps des partis dépolitisés au plan local pourront-ils encore faire illusion au plan national ? Car les élections présidentielle et législatives répondent à d’autres logiques.

Un « camp national » décevant ?

Quant au camp national, il a abandonné, manifestement, l’espoir de vaincre, plongeant de lui-même dans le piège que les médias n’avaient même plus besoin de lui tendre : l’enfermement dans un duel fratricide qui en neutralise les deux représentants crédibles. Était-il si difficile que cela, pour un candidat revendiquant ouvertement son gaullo-bonapartisme de refuser par principe, dès lors qu’il s’était déclaré, de polémiquer avec les autres candidats, quels qu’ils soient ? C’était la seule façon d’apparaître comme l’homme de la nation en s’adressant à elle seule. Mais c’est à l’après-2022 qu’ils pensent eux aussi, à une recomposition des droites qui, laissant définitivement ce qu’il restera de LR sur leur gauche, se partageront entre un camp national-populiste héritier du gaullisme (le dépassement de la gauche et de la droite, ce qui ne manque pas de piquant pour le lepénisme) et un camp plus libéral et conservateur, qu’on aimerait plus ferme sur la cohésion sociale. Car l’illusion que ces deux droites ne doivent absolument par partager est de se croire, l’une, plus souverainiste et, l’autre, plus identitaire : il s’agit encore une fois d’une fausse opposition, l’identité et la souveraineté étant indissociables l’une de l’autre, du moins pour un pays comme la France, patiemment édifié par nos rois et qui, selon le mot définitif de Bainville, est « mieux qu’une race, une nation ».