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Cet ordre est-il l’ordre ?

Par Frédéric Wincler

Tout porte à répondre que non, si selon l’admirable formule d’Auguste COMTE : « le progrès est le développement de l’ordre », alors ce progrès n’est pas le progrès, il n’est qu’une évolution mal maîtrisée, et cet ordre n’est pas l’ordre, selon l’expression de Gustave THIBON, il n’est au mieux qu’un « chaos en suspension ». Notre société peut être, en définitive, regardée comme une « dissociété », selon la formule du philosophe belge Marcel de Corte. Au niveau du pays : « Notre monde est celui du bruit et non de la parole. On se tait dans les usines où roulent les chaînes, dans les champs où le paysan ne parle plus à son tracteur, dans les bureaux où glissent les classeurs et où cliquettent les machines à écrire, sur les autoroutes où des hommes – dans leur boîte d’acier – filent muets vers d’absurdes horizons. Bruit des moteurs et des machines… Mais la parole est rare. Les cinémas dégorgent des foules muettes dont les cils battent sous les néons de la publicité, et la télévision pétrifie dans la pénombre du salon ou du « living », la famille aux lèvres closes. » (« L’agonie de la vieille » Jean CAU). Un tel climat suscite l’inquiétude, le dérèglement, l’insatiété, et « l’ennui », phénomène constant des sociétés de masse. « Ce pays nous ennuie, ô mort appareillons », c’est ce que dès 1850, écrivait Charles BAUDELAIRE… L’ennui est sans doute l’un des sentiments les plus tristes qui anime notre jeunesse, sans suivre l’exemple de ceux qui se suicident, nous devons essayer de comprendre… Au-delà des phénomènes qu’il ne suffit ni d’analyser, ni de critiquer, ni de dénoncer, il s’agit de chercher les causes, de remonter aux sources, aux principes générateurs, au système…

Ecoutons encore Proudhon : « Un système politique (le système parlementaire) inventé tout exprès pour le triomphe de la médiocrité parlière, du pédantisme intrigailleur, du journalisme subventionné, exploitant la réclame et le chantage, où les transactions de conscience, la vulgarité des ambitions, la pauvreté des idées, de même que le lieu commun oratoire et la faconde académique sont des moyens assurés de succès, où la contradiction et l’inconséquence, le manque de franchise et d’audace, érigés en prudence et en modération, sont perpétuellement à l’ordre du jour ». Pour s’inquiéter de l’avenir que la société d’aujourd’hui réserve à chacun de nous, il n’y a pas lieu de remuer de grands débats idéologiques. Il suffit de regarder autour de soi. Des difficultés multiples entravent constamment nos activités les plus simples. Des forces d’inertie ou de domination limitent pratiquement notre liberté passée tout entière au domaine de l’abstraction ou de la théorie. L’infériorité écrasante de nos régions face à Paris ne cesse de creuser le fossé qui sépare les Français de province et ceux de la capitale. La loi de la jungle, baptisée néolibéralisme, préside de fait aux rapports sociaux, tout spécialement professionnels au détriment des travailleurs comme des régions qui les accueillent et les voient aujourd’hui dans la difficulté. La société française est à la fois bloquée, par un carcan à la fois réglementaire et idéologique et « décomposée », par une mondialisation oublieuse des communautés vivantes et des spécificités sociales françaises : « Tel est le legs d’Hayek et de sa famille. Une société sans Etat, des nations sans frontières et un corps social sans abri.

Qui défendrait pareil héritage ! » ( F.L Balssa)