KEN À MATIGNON
Quand on veut réduire la politique à de la com’, encore faut-il en faire de la bonne : il n’est pas certain que Macron y ait totalement réussi avec ce remaniement ministériel. Certes, celui-ci a pris tout d’abord l’allure d’un conte de fée : « La sorcière et le prince charmant », dans lequel un sémillant et dynamique jeune homme réussit à sortir la mégère de service, qui avait pourtant fidèlement servi celui qu’il l’avait appelée à Matignon. Mais chacun sait que le Premier ministre n’a aucune reconnaissance à attendre de l’Élysée. C’est particulièrement vrai sous Macron, qui a courageusement laissé le Gouvernement se dépatouiller seul des mesures impopulaires qui, pourtant, constituaient tout son programme : nous pensons principalement à la réforme des retraites. On rappellera bien sûr l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. » Mais passons aux choses considérées comme sérieuses en Macronie.
Le fait est que la nomination à Matignon de Gabriel Attal n’avait bien pour seul objectif que d’envoyer un message de dynamisme et de rajeunissement aux Français, à quelques mois d’élections européennes qui semblaient perdues d’avance face au Rassemblement national : le match Jordan Bardella – Gabriel Attal, ce n’est plus l’échec assuré contrairement au match Bardella-Borne. D’autant que le nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères n’est autre que Stéphane Séjourné, président du groupe parlementaire européen Renew : relativement jeune, lui aussi, ce proche de Macron et ancien compagnon pacsé de Gabriel Attal connaît aussi bien que Bardella les arcanes du Parlement européen… qu’il quitte à quelques mois des élections.
Cela suffira-t-il pour convaincre les Français de redonner confiance à l’équipe du plus jeune Président dirigée désormais par le plus jeune premier ministre de la Ve république ? Des Français toutefois effarés de voir que ce qui semblait devenue la grande cause nationale de Macron, à savoir l’éducation, sous l’impulsion même de Gabriel Attal, disparaît tout simplement des écrans radars. C’est la première fois que le ministère de l’éducation nationale est rattaché à celui des sports… Et, subséquemment, des Jeux olympiques et paralympiques ! A quoi s’occupera la ministre aux mois de juillet et d’août prochains ? A préparer la rentrée de septembre ? Alors même que c’est la popularité acquise par Attal en cinq mois passés à l’éducation qui l’a propulsé à Matignon ! C’est une déclinaison du en même temps macronien. Surtout, quel message de mépris envoyé aux enseignants, aux élèves et à leurs parents, inquiets de voir l’effondrement chaque jour aggravé de notre système scolaire, ainsi rabaissé à la dimension de faire-valoir d’un jeune ambitieux.
Un jeune ambitieux… Mis sous tutelle et déjà humilié par Macron qui a confirmé la présence au Gouvernement de ces poids-lourds que sont Le Maire, Dupont-Moretti, Darmanin, Lecornu et Béchu. Autant dire que, sur tous ces sujets, Attal ne fera que de la figuration. Ce qui lui laissera peut-être du temps pour s’occuper de l’éducation.
Quant au reste, qu’en dire ? Que Macron continue de virer à droite, compte tenu du nombre de ministres (huit) issus de celle-ci ? Plus exactement, que, ne pardonnant pas à sa gauche ses états d’âme sur la loiimmigration, il veut finir d’absorber ce qu’il reste de la droite issue du chiraco-sarkozysme. Pour la chiraquienne Vautrin, elle avait déjà quitté sa famille politique en 2022, ayant alors soutenu Macron. Elle a, avec un ministère du travail, de la santé et des solidarités, sujets sur lesquels elle est, il et vrai, compétente, reçu son lot de consolation, après avoir vu Elisabeth Borne lui passer devant en juin 2022. Quant à la sarkozyste Rachida Dati, elle continue de viser la mairie de Paris en devenant ministre de la culture, convaincue, comme son mentor, que seule une convergence des électorats LR (en perte de vitesse) et macronien lui permettra de gagner la capitale en 2026.
Ken restera-t-il plus de six mois à Matignon ? Les élections européennes se dérouleront le 9 juin prochain : nous le saurons donc le 10 ou le 11 au matin. Et la France et les Français, dans tout cela ? Comme l’éducation nationale, ils sont passés à la trappe.