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Indignation (s)élective

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Par Hélène Chaprais

L’attaque de l’Ukraine par la Russie a provoqué une légitime émotion et une indignation bien compréhensible. Mais on peut déplorer que le système politico-médiatique ait l’indignation sélective – ou même l’indignation élective. Car dans ce bal des hypocrites où la majorité présidentielle mène la danse, la musique sonne faux. L’invasion de l’Ukraine est un révélateur, en négatif, des contradictions et des mensonges de nos élites, et plus singulièrement de nos gouvernants.

Déjà, ceux-là n’avaient pas moufté lorsqu’ils ont associé la France au bombardement de la Serbie, décrété sans mandat par leur maître américain ; plus tard, ils ont eux-mêmes contribué à la déstabilisation durable du Sahel par leur intervention en Lybie, avant de quitter le Mali la queue entre les jambes il y a quelques semaines.

On ne les a peu, voire pas, entendus ne serait-ce que dénoncer le sort des chrétiens d’Orient, et on ne les a pas vus, a fortiori, leur venir en aide. Ils n’ont pas davantage sourcillé pour l’Arménie, laissée à son triste sort dans l’indifférence générale ; pourtant, violant en permanence le cesser le feu, les Azéris tiraient sur les civils et bombardaient des écoles. Ils n’ont pas même évoqué les presque 15 000 morts du conflit russo-ukrainien depuis 2014 – dont plus de 3 000 civils.

Chez nous en France, les mêmes dénoncent en permanence toute forme de nationalisme, mais ils glorifient le nationalisme dont les Ukrainiens font aujourd’hui preuve ; ils crient quotidiennement au fascisme et au nazisme, mais ne sont pas dérangés par la présence d’un régiment ukrainien (Azov), ouvertement nazi, au sein des forces militaires ukrainiennes.

Ils méprisent les candidats à la présidentielle qui n’ont pas d’expérience politique ou n’ont jamais été élus locaux ou parlementaires, mais ils se pâment devant un acteur et humoriste ukrainien devenu président.

Ils prétendent vouloir « faire la guerre » à une épidémie ou à une économie, et depuis des années, ils liquident notre industrie militaire et notre armée, si bien qu’elle manquerait de moyens au bout d’une quinzaine de jours en cas de conflit.

Ils se targuent d’avoir un taux de chômage au plus bas depuis 15 ans, quand il est encore le double de celui de la Russie.

Ils ont violemment réprimé les manifestations des gilets jaunes et les convois de la liberté, mais ils dénoncent un système russe « totalitaire » et la répression envers les opposants à la guerre ; ils vilipendent la désinformation de Poutine mais ils la pratiquent quotidiennement.

Ils dénoncent et sanctionnent les oligarques russes, mais ils jouent aux banquiers d’affaires avec la technologie nucléaire française ou les éoliennes. Ils péroreront dans les tribunes officielles de la prochaine coupe du monde au Qatar, qui finance des organisations islamiques peu fréquentables, et où de nombreux ouvriers sont morts sur les chantiers de nos divertissements.

Face au conflit actuel, ils prônent une véritable défense européenne mais ne pipent mot lorsque l’Allemagne, en plein réarmement, décide d’acheter des avions de chasse américains au mépris d’une hypothétique préférence européenne.

Le bal des hypocrites bat son plein. Mais qu’ils prennent garde : comme le fait dire Paul Féval à Charrette dans la chanson, « le canon fait mieux danser que le son du violon ».