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Respecter la dignité de nos anciens.

Par Jean-Philippe Chauvin

Le sort des anciens durant cette période compliquée est un motif d’inquiétude mais aussi de colère : dans nombre de cas, le confinement est devenu double enfermement, à la fois physique et social, et notre société individualiste a montré toutes les limites de ses principes… Dans les Maisons de retraite, les pensionnaires de grand âge ont été soumis à une véritable punition, avec l’alibi de la santé et de la sécurité : les exposer, c’était les tuer, en raison, justement, de leur fragilité liée à l’âge, et il a été décidé de fermer ces Maisons, mais de les fermer sur elles-mêmes, avec l’interdiction pour les enfants des pensionnaires de venir les visiter. Mais une fois entré dans ces lieux pourtant confinés, le virus, lui, a tué, abondamment, cruellement, anonymement. Certaines de ces Maisons, déjà bien tristes en temps normal (mais très coûteuses sans que l’on comprenne toujours pourquoi au regard des prestations et des repas servis en leur sein…), sont devenus de véritables mouroirs dans lesquels les dernières visites des familles et les secours de la religion, pour les croyants, étaient interdits. L’humanité a été oubliée, et notre société a détourné les yeux de ces drames silencieux, de ces larmes versées loin des caméras, de ces vieux cœurs brisés de chagrin de devoir disparaître sans le dernier regard aperçu des êtres aimés. Solitude finale de vies livrées à la Grande Faucheuse dans le désamour et l’abandon…

Il faudra un jour faire le bilan de ce désintérêt, et mander quelques uns des responsables de ces Maisons tristes devant le tribunal de la dignité humaine, sans oublier de dénoncer un système qui fait de la vieillesse une rente pour quelques sociétés et actionnaires dépourvus de cette humanité pourtant nécessaire à toute société pour espérer survivre en bonne harmonie. Mais il faudra aussi interroger cette société-là, qu’il faut plutôt nommer « dissociété » comme l’avait déjà évoqué, il y a plus de 50 ans le philosophe Marcel de Corte, et ses fondements individualistes issus de ce libéralisme anglosaxon déjà ancien qui avait trouvé en Margaret Thatcher sa meilleure interprète quand elle affirmait que « la société n’existe pas », prouvant aussi par là-même que la société de consommation n’en est effectivement pas une au sens humain et social du terme, mais plutôt un « assemblage d’individus se côtoyant » et, plus exactement, de consommateurs, ravalant la personne à un simple tube digestif : est-ce si loin que cela du matérialisme marxiste ?

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