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Droits de l’Homme : à propos de l’article de Michel MICHEL

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Par Jean-Baptiste DONNIER

Commentaire dans « Je suis français » à propos de l’article de Michel Michel paru sur le site : « Af.net et dans JSF sur les droits de l’homme. [Droits de l’Homme mercredi 6 novembre 2019]

Que la référence aux droits de l’homme fasse « grincer des dents » se comprend aisément, dans la mesure où l’acception communément admise de cette notion repose sur une double perversion des deux termes qui la constituent : le droit et la nature humaine[1].

Pour autant, toute référence aux droits de l’homme ne me paraît pas mériter la même critique. En particulier, s’agissant de l’usage fait de cette notion par les Papes récents, deux remarques me semblent nécessaires pour éviter toute confusion.

Tout d’abord, le magistère de l’Église n’est jamais revenu sur la condamnation initiale, par Pie VI, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de sorte que la référence faite par les Papes depuis Pie XII et surtout saint Jean Paul II, ne saurait être rattachée à l’idéologie issue de la Déclaration de 1789. En réalité, c’est à partir de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948 que les Papes vont se référer positivement aux droits de l’homme, d’abord avec prudence et indirectement, en préférant utiliser l’expression de « droits fondamentaux » puis, avec saint Jean Paul II, de manière insistante et en adoptant l’expression même de droits de l’homme. Il y a là, sans doute, un choix qui peut être discuté, au regard notamment de l’évolution de la pensée dans laquelle s’inscrit la Déclaration de 1948 par rapport aux fondements doctrinaux de la Déclaration de 1789 mais, quoi qu’il en soit, ce choix ne peut être pris pour une adhésion à l’idéologie des droits de l’homme de 1789.

Ensuite et surtout, saint Jean Paul II a d’emblée redéfini la notion de droits de l’homme à laquelle il a entendu se référer en qualifiant ces droits, dans sa première encyclique, Redemptor hominis, en 1979, de « droits objectifs »[2]. Ce faisant, le Pape vide de tout subjectivisme la notion de droits de l’homme, qui n’a plus rien à voir, dès lors, avec l’individualisme révolutionnaire. Cette conception objective des droits de l’homme s’appuie sur une anthropologie réaliste (celle-là même de Joseph de Maistre ironisant sur le fait qu’il n’avait jamais rencontré « l’homme » mais uniquement des Français, des Italiens ou des Russes), anthropologie qui situe chaque personne concrète dans le réseau des relations sociales qui la constitue, en particulier une famille et une nation. Le développement considérable donné par le Pape polonais au magistère de l’Église sur la famille et la nation ne se comprendrait pas s’il avait parallèlement adhéré à une conception subjective et individualiste des droits de l’homme, destructrice tant des liens familiaux que de la substance des nations. On peut certes, là encore, juger l’entreprise périlleuse, voire intellectuellement impossible (c’était l’opinion de Michel Villey) ; elle ne s’inscrit pas moins, pour autant, dans la grande Tradition de l’Église comme dans la tradition, plus modeste, du droit naturel classique.

N.B. : Pour un approfondissement de ces questions, on se permettra de conseiller la lecture de l’ouvrage, malheureusement épuisé, du R.P. André-Vincent, Les droits de l’homme dans l’enseignement de Jean Paul II (L.G.D.J., 1983) ainsi que, du même auteur, Jalons pour une théologie du droit (Téqui, 2007).

[1] On peut renvoyer sur ce point à la lecture de l’ouvrage définitif de Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, P.U.F., coll. Quadrige.

[2] Redemptor homonis, n° 17.