Par Jean-Philippe Chauvin
Ainsi, nous y sommes : le premier ministre qui, en d’autres temps (ceux de son opposition au pouvoir hollandiste), dénonçait le recours gouvernemental à l’article 49.3, en use à son tour, non pour faire taire une quelconque contestation au cœur de sa majorité parlementaire (ce qui, en somme, était l’argument rituel d’usage de ce fameux article), mais pour contourner les débats parlementaires et, surtout, abréger le temps qui leur était nécessaire, selon les us et coutumes de la démocratie représentative. Le gouvernement n’a jamais caché qu’il entendait en finir avec la première lecture de la réforme des retraites avant les élections municipales qui, si l’on en croit les études d’opinion, s’annoncent piteuses pour le parti présidentiel : et la cause est entendue, à défaut que ce soit les syndicats ou les professions organisées comme celle des avocats, plus que sceptiques à l’égard d’une loi spoliatrice de leur caisse autonome de retraites, véritable « patrimoine corporatif ».
Que nous apprend cet épisode de la vie politique française ? Sans doute que la dyarchie républicaine fondée sur le tandem président de la République-premier ministre fonctionne mieux que la démocratie parlementaire elle-même, cantonnée à un rôle d’acceptation plus que de décision proprement dit, sauf en cas de proposition de loi déposée par un député et votée par la majorité de ses collègues, du moins quand le gouvernement ne fait pas savoir qu’il s’y oppose… Sous la Troisième et Quatrième Républiques, la discipline partisane de vote était, sans doute, moins contraignante, hormis pour les partis « durs » souvent partisans d’un régime qui ne l’était pas moins, comme le Parti Communiste par exemple. Mais il n’est pas certain que, si la liberté des parlementaires paraissait mieux assurée (ce qui reste tout de même à confirmer), la liberté des citoyens et l’autorité de l’Etat étaient mieux reconnues et assumées…
La suite