La duchesse d’Uzès ou l’alliance des contraires

Dans un univers d’intellectuels et de militants essentiellement masculins, la duchesse d’Uzès, née Anne de Rochechouart de Mortemart, fait exception, et pas uniquement parce qu’elle est une femme.

Figure oubliée, celle qui était l’arrière-petite-fille de Barbe Nicole Ponsardin, la célèbre « veuve Clicquot », a pourtant marqué de son empreinte politique le XIXème siècle finissant. Mariée à 20 ans, en 1867, au 12ème duc d’Uzès, elle lui donne quatre enfants, avant de devenir veuve en 1878. Placée ainsi à la tête d’une gigantesque fortune qu’elle administre elle-même, elle se tourne vers la politique.

Catholique et légitimiste, elle est convaincue de l’alliance indéfectible du trône et de l’autel. En 1883, la mort, sans héritier, du duc de Chambord est, pour elle, l’occasion d’une première évolution politique. « Fusionniste », elle se rallie au comte de Paris, privilégiant une aspiration nationale concrète à une continuité dynastique altérée. Elle voit dans l’émergence politique du général Boulanger, à partir de 1887, l’occasion de réaliser cette alliance de l’impératif national et de la tradition monarchique. Si, elle est profondément déçue par les louvoiements de celui-ci, et qu’elle assiste, avec consternation, à l’effondrement du boulangisme, ce premier engagement politique direct, dans lequel elle a placé près de 300 000 francs-or, lui permet d’élargir ses horizons politiques.

Tout en demeurant monarchiste de cœur, elle se montre en effet sensible à la thématique du « socialisme national » qui nait dans le sillage de l’aventure boulangiste. Car si les droites se sont massivement ralliées au général, une partie non négligeable de la gauche en a fait autant. C’est ainsi l’occasion pour la duchesse d’Uzès de côtoyer des anciens communards et des personnalités issues du radicalisme, du socialisme, du monde ouvrier. Parmi ceux-ci, le journaliste républicain socialiste Georges de Labruyère, jeune vétéran de la Guerre de 70 (il s’est engagé à 14 ans), et sa compagne, la féministe et libertaire Séverine, première femme rédactrice en chef d’un grand quotidien politique, le Cri du Peuple, fondé par Jules Vallès. Le couple, passé du socialisme au boulangisme, fréquente ensuite Edouard Drumont et le milieu antisémite.

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