Je suis français : Frédéric Rouvillois : Un monument à la grandeur. Splendeurs et déclin de l’esprit français.

Jean-Michel Delacomptée signe une somme remarquable. Sa galerie de portraits, d’Ambroise Paré à Saint-Simon, célèbre la Grandeur de l’esprit français dans une langue qui ne dépareille pas celle de ses modèles. Une révérence aux génies du Grand Siècle qui fut celui des armes et des arts.

Frédéric Rouvillois est professeur de droit public et écrivain. Il a récemment publié Politesse et politique (Cerf, 2024).

L’un des films les plus fascinants du début de notre siècle, La Grande bellezza, du cinéaste napolitain Paolo Sorrentino, débute sur une scène d’anthologie : un touriste japonais, sortant du car où il était entassé avec ses semblables et se trouvant subitement nez à nez avec les splendeurs de Rome, s’écroule sans un mot sur le marbre de l’immense terrasse qui domine la Ville éternelle, foudroyé par la beauté. Tel est le sentiment de stupeur que risque d’éprouver le lecteur non prévenu qui ouvrirait par hasard Grandeur de l’esprit français, le recueil des « portraits » de Jean-Michel Delacomptée, et qui tomberait par exemple sur l’incipit de « Madame, la Cour, la mort », consacré à Henriette d’Angleterre : « Elle n’a laissé que sa mort. Une tasse de chicorée suspecte, une agonie foudroyante, la Cour et la ville en pleurs, une oraison magnifique, des funérailles comme on n’en vit jamais. » Ou un peu plus loin, à propos d’une autre mort, celle, aussi tragique et presque aussi subite, du jeune duc de Bourgogne, le petit-fils de Louis XIV, « le merveilleux Dauphin » en qui Saint-Simon avait placé toutes ses espérances : pour le mémorialiste, écrit Delacomptée, « l’avenir se retira comme la mer se retire, laissant les galets à nu sur la grève ».

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