Aujourd’hui, bien que parfaitement conscient que l’homme politique évoqué ici ne fut jamais un ami de l’Action française, nous avons choisi d’évoquer son exécution pour le moins odieuse, point sur lequel historiens comme avocats sont unanimes. Pierre Laval fut socialiste et pacifiste, deux errances ; il n’en fut pas moins patriote… et c’est sur ce point, comparativement à Emmanuel Macron, que nous en parlons ici.
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par Jean Charpentier
Le 15 octobre 1945, dans les fossés de Fresnes, Pierre Laval, quasi mourant, est fusillé debout. L’homme le plus honni de France est exécuté par un peloton militaire alors qu’il s’est empoisonné dans sa cellule et malgré l’humaine tradition qui veut qu’on ne tue pas un homme proche de la mort. Voilà pour l’exécution de la peine. Quant est-il du procès ? Une parodie judiciaire nauséabonde. Laval, Président du conseil, s’est constitué prisonnier en 1945. Il est revenu d’Espagne où il était en résidence surveillée pour « s’expliquer » lors du procès Pétain. Arrêté, l’instruction est bâclée, rapide, incomplète. Le procès est tenu par des magistrats qui font fi de la légalité car ils ont peur. Les jurés ? Des communistes dont Kriegel, dit Valrimont, qui demandent « douze balles dans la peau » avant même le jugement. Kriegel a une place à son nom dans Paris !
Voilà pour la fin. Pierre Laval est presque oublié aujourd’hui. Il a pourtant incarné le pire de la « collaboration ». Il est l’homme du 10 juillet 1940 qui met fin à la république, il est celui de l’entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler qui fonde la « collaboration », il est le Président du conseil qui « souhaite la victoire de l’Allemagne », celui qui met en place le STO, autorise la déportation des Juifs étrangers, qui préside en 1943 la Milice. C’est beaucoup.
Laval est-il nazi ? Fasciste ? Non, il est socialiste, libéral et pacifiste, et même profondément pacifiste en bon disciple de son maître Aristide Briand. Laval croit aux vertus de la diplomatie et des relations interpersonnelles. Président du conseil dans les années 1930, il négocie avec Staline, avec Mussolini. Les États-Unis sont, pour lui, le contrepoids aux dérives européennes. Écarté du pouvoir en 1941, il fait encore appel aux Américains : son gendre René de Chambrun est membre des Cincinnati, club fermé des héritiers des fondateurs de l’Amérique. Laval a une affection particulière pour le nouveau monde.
Laval est un républicain convaincu. Son ancrage de notable dans sa ville de Châteldon est si typique de ce que l’historien Gilles Le Béguec, appelait « La République des avocats ». Libéral, il fait fortune par des placements judicieux et, Président du conseil, il reprend la politique libérale d’André Tardieu. Socialiste, il défend, sans honoraire, les ouvriers d’Aubervilliers qui l’élisent maire sans discontinuer jusqu’en 1944.
Il ne fut pas l’ami de l’Action française, loin s’en faut. En 1940, il reçut froidement le comte de Paris. Laval fut pour tous l’image du traitre, du maudit, du méchant. Il n’y a pas lieu, ici, de donner des lauriers à « Pierrot ». Mais les historiens qui ont fait sa biographie sont unanimes : Pierre Laval fut un patriote fourvoyé. Ni pro-nazi, ni fasciste, ni antisémite, Laval fut un défenseur des intérêts de la France mais avec des aveuglements coupables.
Aujourd’hui, on parle de Pétain, pas de Laval. Aujourd’hui, un chef d’État ou de gouvernement peut avoir des complaisances à des égorgeurs, vendre la France à l’étranger, clamer « vive l’Europe nouvelle » (comme Laval) ; il ne risque pas de finir avec « douze balles dans la peau » à Fresnes. Mais « Pierrot », lui, aimait le peuple de France. En souvenir, un grand économiste, professeur à Sciences Po, réclamait au restaurant « l’eau du Président Laval ! », la Châteldon.

