Par Olivier Perceval
D’abord Pierre Builly qui nous a quitté il y a cinq jours et Michel Michel qui s’est éteint il y a trois soirs…
Il faudra faire une biographie approfondie de notre ami Pierre , car je me rappelle pour ma part des discussions passionnées au cours des banquets où il se montrait parfois un peu trop jacobin à mon goût dans sa vision de l’administration du pays, l’influence de sa formation préfectorale n’était pas étrangère à ce positionnement. Il a été un authentique Gaullo-Maurassien, et si beaucoup de nos amis ont rejoint l’AF dans les années 1960 pour soutenir le combat de l’Algérie française, lui est venu comme nationaliste convaincu pour soutenir le général surtout dans sa démarche contre l’OTAN et son affirmation de l’indépendance nationale. Je crois du reste qu’il a suivi en toute logique les positions de la « Nation française » pendant un temps, sans toutefois se détacher du 10 rue croix des petits champs.
En mai 1968 il participait aux manifs d’Action française, seul mouvement anti-gauchiste qui arpentait les rues à ce moment-là. On l’a rencontré aussi dans les CMRDS et dans les rassemblements royalistes de l’Action française. Son engagement lui a valu de recevoir le bel insigne des camelots du roi. C’était un homme d’une grande générosité et sa position à la préfecture de police de Paris lui a permis de rendre service sans compter aux militants en difficulté avec l’appareil policier. Cette générosité il l’a également exercée quand il fut retraité de la fonction publique et qu’il s’est mis au service d’associations caritatives de sa paroisse. Il était passionné de cinéma et tenait une rubrique régulière pour le site royaliste : « Je suis français ». C’était un vrai bon camarade apprécié de tous.
Quant à Michel, psychosociologue de formation, il était maître de conférences à Grenoble et l’ennemi juré de l’administration hiérarchique universitaire qui a tout fait pour qu’il ne progresse pas dans le professorat, mais qu’importe, il était avant tout un militant d’Action française et ne s’en cachait pas. Lui, s’est engagé en 1962 comme jeune étudiant à l’AF pour le combat en faveur du maintien de l’Algérie dans la France. C’est dans cette lutte qu’il rencontra sa future épouse et qu’il prit la tête des étudiants grenoblois. Puis, devenu prof, il monta à Grenoble une belle section royaliste en recrutant notamment un certain nombre de ses étudiants. La section grenobloise prit de l’ampleur et s’étendit. Il créa la Fédération royaliste Dauphiné-Savoie. En 1971, il y eut la scission et, appelé par Nicolas Kayanakis, il rallia avec sa fédération la Nouvelle Action française.
Avec sa fédération, il monta dans les années 1980 une opération audacieuse, l’écologie étant en progression dans les sondages, il créa de toute pièce avec ses militants un mouvement écologique neutre politiquement, c’est-à-dire de droite. Ayant fait un score honorable au premier tour des élections municipales de 1983, il proposa à Carignon d’appeler à voter pour lui au second tour moyennant une place d’adjoint et une place de conseiller, plus quelques postes de cabinet pour certains des plus brillants de ses militants. Au second tour, le bastion socialiste fut pris grâce a moins de 10% de cette liste écologiste. Et Carignon élu teint sa promesse.
Au bout de quelques années, il rédigea un document remettant en cause la stratégie de la NAF, qui écartait l’option du coup de force. Ce document s’appelait « Cohérence » et décrivait les phases de conquête du pouvoir selon un schéma très maurrassien mais qui s’inspirait aussi de Gramci et de Lénine (le coup de poing au paralytique). Cela lui valut d’être exclu, ainsi que tous les militants qui suivaient sa ligne. Comme d’autres sections et fédérations en France rallièrent cette voie, la section de Tour notamment ainsi que des fédérations en rupture avec l’AF réunies au sein de la Fédération des unions royalistes de France (FURF), cela donna naissance au MRF qui eut de beaux jours pendant plus de trois ans, mais sombra faute de moyens.
Michel se rapprocha alors à nouveau de l’AF qui avait le mérite à ses yeux d’avoir maintenu le principe d’école doctrinale de formation. Il a été également le fondateur du Groupe de liaison royaliste, qui n’était pas un mouvement mais une instance de relation entre les cadres ou militants des différents mouvements existants.
Michel a écrit d’autres ouvrages qu’on peut trouver à la librairie de Flore, et de nombreux articles. Il fait partie de ceux qui ont fait avancer notre mouvement en matière de prospective politique. Ceux qui l’ont entouré savent à quel point il était intransigeant dans la réflexion politique, mais aussi un joyeux compagnon quand on faisait la fête. Certains se souviennent peut-être de la mise en scène et en dérision qu’il avait faite du matérialisme historique de Karl Marx au cours d’une veillée de feu de camp.
Bref, nous avons perdu deux de nos amis qui ont œuvré pour le développement et la connaissance de la pensée royaliste, de la pensée maurrassienne.
Que les anciens camelots qui les ont déjà précédés au ciel, vous fassent une haie d’honneur et vous offrent des boissons inconnues ici-bas, mais que vous saurez apprécier là-haut, tandis que nous, restés sur terre, boirons à votre santé céleste !

