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De Bébel à Fernandel

La chronique de Stéphane Blanchonnet (Le Bien Commun)

À l’heure où j’écris ces lignes, Jean-Paul Belmondo nous a quittés dans une ultime cascade pour rejoindre la cohorte des derniers grands disparus du cinéma français : Claude Rich, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle… l’émotion collective ressentie à cette occasion n’est pas anecdotique. Ce fut un de ces moments de communion autour de l’idée d’une idiosyncrasie française éternelle, faite de panache, de défi, de désinvolture, d’humour, d’ironie, de gouaille, de penchant résolu pour les plaisirs de la table comme de l’alcove… un moment d’autocélébration transcendant les générations qui nous montre qu’il existe encore un peuple français dont plus de cinquante ans de petit comme de grand remplacement n’ont pas complètement effacé les repères et les contours.

Belmondo était l’incarnation contemporaine d’un archétype assez ancien de la tradition française. Il y avait en lui du Mandrin, du Surcouf, du Fracasse, du Cyrano. Il héritait aussi un peu de Gabin. C’est sans doute ce qui rend si fascinant leur duo dans la belle adaptation d’Un singe en hiver de notre cher Antoine Blondin (compagnon de route de l’AF) par Henri Verneuil. De son côté, Louis de Funès incarnait un autre archétype. Il était l’héritier des barbons de comédie de Molière, ces bourgeois autoritaires et ridicules que nous aimons tant détester mais qui sont aussi une partie de nous-mêmes.

Laurent James dans un ouvrage récent tout à fait remarquable s’est attaché à une autre incarnation française, à une autre facette de notre imaginaire reflétée par un acteur légendaire, celle de la simplicité, de la bonhomie, de la jovialité, de la candeur et de la franche rigolade. Le lecteur aura peut-être déjà reconnu le portrait de Fernand Contendin, alias Fernandel. L’idée de Laurent James tient tout entière dans le titre de son livre : Saint Fernandel (éditions Nouvelle Marge). À ses yeux Fernandel c’est donc la sainteté. Une thèse qu’il soutient avec brio sur une petite centaine de pages et qu’illustre assez bien cette anecdote qu’il rapporte d’une petite fille demandant à Fernandel-Don Camillo de la bénir. Ce dernier explique à l’enfant qu’il n’est pas un vrai prêtre mais un acteur. Et la petite de lui rétorquer avec une extrême finesse qu’alors il peut bien bénir sa poupée ! La vérité sort de la bouche des enfants.