You are currently viewing Prises de conscience

Prises de conscience

L’éditorial de François Marcilhac (Le Bien Commun)

Ce n’est pas encore la panique, peut-être même ne viendra-t-elle pas ; ce n’est encore que l’hébétude, qui semble ôter toute possibilité de réaction, cet état morbide d’obnubilation marqué par un ralentissement des fonctions psychiques, un engourdissement de la vigilance, une absence totale de lucidité. Le pouvoir semble pathologiquement désemparé. Cela ne signifie pas qu’il ne sera plus capable de réactions violentes, comme lors de la révolte populaire des Gilets jaunes ; il le sera même d’autant plus lorsque, se réveillant par à-coups de sa stupeur, il s’apercevra ne plus rien maîtriser. Mais c’est un fait : Macron et sa clique n’ont plus de prise sur les événements. 

La macronie, cet ensemble hétéroclite d’ambitions médiocres, qui croyait pouvoir inventer un nouveau monde sur l’asthénie de l’ancien, n’a fait qu’en reproduire les traits les plus caricaturaux, pour ne plus apparaître aux yeux des Français que comme une caste de privilégiés coupés de la vie du pays réel, aussi idéologues que la gauche, mais sans le prétexte des lendemains qui chantent, aussi égoïstes que la droite, mais sans le souci de la nation. Caricature de la caricature, la macronie est l’impolitique qui a pris le pouvoir et qui offre le spectacle indécent de sa vacuité.

C’est du reste ce qui attire à elle les résidus de l’ancien monde : après avoir cherché à vider de sa  (dernière) substance le socialisme, ou ce qu’il en restait, elle vise à faire de même avec les LR qui, faut-il le préciser, meurent avant tout de leur perte d’identité. Car adhérer aux Républicains, aujourd’hui, ce n’est adhérer à rien : seuls leurs bastions locaux leur permettent, comme aux socialistes, d’exister encore. Nous verrons si les électeurs confirmeront cette imposture politique fin juin.

La macronie a échoué sur tous les plans, et nul besoin, pour le prouver, d’en appeler à la gestion catastrophique de la pandémie. Échoué ? De notre point de vue, ou plutôt de celui du Bien commun, puisqu’elle n’a eu de cesse de diviser les Français, de chercher à dissoudre les solidarités et à miner la confiance du pays en soi, à le salir à ses propres yeux, à le faire douter, notamment de son histoire et de sa gloire, à favoriser une haine de soi, qui n’est du reste bien souvent que la haine d’invités récents qui crachent sur leur pays d’accueil, sachant qu’ils ont avec eux des élites qui ont perdu tout sens de la nation.

Mais la macronie a échoué, aussi, de son propre point de vue, puisque le peuple français existe encore et le montre chaque jour davantage. D’où son hébétude. Le cadavre de la France non seulement bouge encore, mais est plus vigoureux qu’elle l’imaginait. La révolte des Gilets jaunes n’était pas un simple hoquet de l’ancien monde agonisant. C’était, au contraire, un signe annonciateur d’autres prises de conscience, face au délitement organisé du corps de la nation. Comment comprendre autrement les deux messages aussi lucides que courageux de militaires habitués pourtant, depuis la répression gaulliste, à se taire ? Comment comprendre une révolte des forces de l’ordre que le « en même temps » macronien — Darmanin à l’intérieur, Dupont-Moretti à la justice — ne saurait plus satisfaire ? Et la piteuse présence du ministre de l’intérieur à une manifestation de policiers dirigée contre lui montre combien le pouvoir a perdu le contrôle de la situation. Comment comprendre autrement cette scission progressive du peuple français, qui voit chaque jour davantage que le pouvoir prépare sa propre dissolution dans un grand ensemble « européen », soumis à la loi du marché et à la disparition des peuples ? Bayrou, haut-commissaire au plan, pense-t-il susciter l’adhésion des masses en réclamant, à la suite de l’oligarchie européenne, un plus grand recours encore à l’immigration pour pallier notre déficit démographique ?

Tout est possible, en 2022. Les prises de conscience prennent parfois du temps à se traduire dans les faits. Le plus tôt serait pourtant le mieux : le mal empire avec le temps.

François Marcilhac