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Réouverture du cirque électoral

Par louis-Joseph Delanglade*

A-t-il d’ailleurs jamais fermé ? A plus d’un an de la prochaine élection présidentielle, ils (et « elles » aussi, qui ne sont pas en reste) ne pensent qu’à ça. Certes, voilà qui apporte quelque diversion à une pandémie devenue obsessionnelle. Mais nous voici de nouveau condamnés à subir, jusqu’au printemps 2022 inclus, les analyses mais aussi et surtout les affirmations, déclarations, proclamations, etc. (la liste reste ouverte) des journaleux et politiciens, ceux-ci au nom de leurs prétendues convictions, ceux-là au nom du contestable droit d’informer. 

Donc, pendant un an, agitation et polémiques dans tous les sens, chacun finissant par (faire) croire que les choses peuvent bouger – et sans doute l’heureux élu (peut-être « l’heureuse ») nous le confirmera-t-il/elle au soir du second tour. Or, sans remonter très loin, pour ne pas infliger à nos lecteurs une énumération fastidieuse, on se rappelle quand même encore les propos aussi puérils que prétentieux de MM. Hollande et Macron lors de leurs victoires respectives en 2012 et 2017 : le premier nous annonçait « le changement », le second un « monde nouveau ». Il n’en fut rien, bien entendu, moins à cause d’événements imprévus (mais n’est-ce pas le rôle du politique d’y faire face ?) qu’en raison d’un système politique qui semble n’avoir d’autre finalité que gérer sa propre survie. 

Encore n’en sommes-nous qu’au stade de la « chauffe », c’est-à-dire que tout et n’importe quoi est bon pour susciter l’intérêt du citoyen-électeur. Coup de projecteur samedi dernier sur une gauche éclatée et devenue très minoritaire qui entonne le grand air de l’union. Pourtant MM. Mélenchon et Roussel sont déjà candidats et M. Jadot, chef de chœur, espère bien être investi par son propre parti, celui dont les élus municipaux n’en finissent plus de se faire remarquer par une sorte de crétinerie sui generis (dernier exemple en date : le vote de Vincennes contre la marine à voile). Est-ce pour cela que se murmure de-ci de-là le nom prétendument rassembleur de M. Hollande ? Grande question ! Concernant la droite, on souligne volontiers que la perspective de l’élection présidentielle suscite une appétence certaine chez les candidats, déclarés ou proches de l’être, malgré le manque de stature de la plupart. Quant à la droite qualifiée d’extrême, on ressasse qu’elle obtient de bons résultats dans des sondages qui ne sont que des sondages et qui pourraient peut-être se retourner contre elle, conformément à la tactique de l’épouvantail. Quand on a dit cela, on a tout dit et, en fait, rien dit. Ces « informations » ne font que confirmer ce que l’on sait depuis assez longtemps et qui a culminé avec le spectacle lamentable des primaires de 2017 : l’élection présidentielle tend à n’être plus qu’un enjeu entre les factions. 

M. Macron a pu faire illusion un temps dans ce domaine puisqu’il a suscité un parti et non été adoubé par lui. Mais, maintenant élu, on attend qu’il se comporte comme tous ses prédécesseurs (ou presque, si l’on excepte De Gaulle en 1965) visant une réélection : qu’il agisse et parle désormais en fonction de l’échéance de 2022, bref qu’il soit en campagne partisane. Pourtant rien ne garantit qu’il sera bien candidat, cela pourrait même in fine ne pas advenir. Certains affirment cependant que ce n’est pas un hasard si, dans la semaine de l’annonce des 100 000 décès dus au virus (nombre qui, en soi, n’a pas de sens particulier comme l’explique le professeur Raoult, mais qui peut se révéler désastreux pour la communication gouvernementale), il se rend sur le chantier de Notre-Dame de Paris et confirme un calendrier de restauration permettant la reprise du culte dès 2024. Analyser ainsi l’actualité, à tort ou à raison, c’est rappeler à ses origines électorales la fonction actuelle de chef de l’Etat, c’est aussi la rabaisser en lui assignant une place dans le régime des partis. 

Cet avilissement du politique ne peut qu’être insupportable pour qui lui assigne la défense du bien commun comme fonction ultime. On en arriverait presque à penser que la survenue de circonstances exceptionnelles, peut-être même empreintes de violence, serait seule à même de permettre d’en sortir.

*  Chroniqueur de JSF, agrégé de Lettres Modernes.