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LA VIOLENCE DU PAYS LÉGAL

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L’éditorial de François Marcilhac

La rhétorique libérale n’a finalement pas changé, depuis le XIXe siècle : il existe toujours des classes dangereuses dont les honnêtes gens doivent se méfier. Depuis le déclenchement du mouvement des Gilets jaunes, il n’est de cesse dans les médias officiels et chez les responsables du pays légal, de dénoncer le retour d’une prétendue violence politique, voire un ensauvagement de la société française, fût-ce en créant cette violence, comme en témoigne la liberté d’action des black blocs lors des manifestations que l’exécutif veut discréditer. De cette rhétorique de la peur participe également la diabolisation d’actes passant jusque là pour de simples chahuts : les actions des agriculteurs opposés au CETA traitées cet été d’ « attentats » par Castaner ou encore Macron qualifiant l’intrusion de quelques grévistes au siège de la CFDT, syndicat proche du gouvernement et de la Commission européenne, rien moins que de « honte pour notre démocratie », avant d’être lui-même, quelques heures plus tard, l’objet d’un charivari, évidemment criminalisé, à la sortie d’un théâtre parisien. Il serait toutefois injuste de dater de Macron le retour de cette rhétorique, et de la violence du pays légal à l’encontre du pays réel que cette rhétorique a pour but de justifier. Si, le mardi 14 janvier, le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, André Chassaigne, a, non sans raison, accusé le gouvernement d’avoir « rompu avec la doctrine française du maintien de l’ordre, qui repose sur la prévention des troubles, l’absolue nécessité de l’usage de la force et une réponse proportionnée à la menace », il convient de noter que, sous Hollande, la Manif pour tous, sans que cela émeuve alors la gauche, était accusée de provoquer, par le simple fait de manifester, haine « homophobe » et violence d’ « extrême droite », ce qui a permis au pouvoir de rompre une première fois avec la doctrine française du maintien de l’ordre. Et déjà, le Conseil de l’Europe de dénoncer l’exécutif français pour l’extrême violence de sa répression.

Il est vrai qu’avec Macron la violence du pays légal à l’encontre des Français est encore montée d’un cran : plusieurs dizaines de manifestants mutilés, incarcérations préventives innombrables, une pluie encore jamais vue de condamnations à de la prison ferme de simples opposants et dénégation par le pouvoir des violences policières, jusqu’à ce que Macron lui-même, bientôt relayé par Castaner, leur patron, lâche ceux qui ont fait le sale boulot à la demande de l’exécutif.

À l’approche des élections municipales et se sachant déjà dans une mauvaise posture, le pouvoir, qui voit les grèves s’essouffler mais ignore quelles formes peut prendre le mal être de la société française, dont l’opposition majoritaire à la réforme des retraites n’est qu’un des symptômes, se sait piégé par la stratégie de la tension qu’il a lui-même choisie. Donnant des gages illusoires en rappelant les forces de l’ordre à l’éthique, après les avoir incitées à rompre avec elle, le pays légal sait qu’il gouverne désormais au-dessus d’un volcan. Diviser pour mieux régner peut se retourner contre soi, lorsque ceux qu’on a voulu opposer s’aperçoivent qu’on les a bernés. Macron a tout d’abord désigné à l’hostilité des classes moyennes les Français les plus pauvres ou les plus précaires en méprisant ouvertement les Gilets jaunes. Or, aujourd’hui, tant avec une réformes des retraites dont les classes moyennes, quel que soit leur statut — public, privé, salarié, indépendant — seront les premières perdantes, qu’avec un dégringolade des services publics les plus nécessaires — hôpitaux, pompiers, police, justice —, toutes les composantes du pays réel s’aperçoivent enfin que Macron et ses satellites leur ont menti. Et que nous sommes tous concernés par la politique de destruction de la société française actuellement menée.

À cette violence du pays légal au service de l’oligarchie, opposons une détermination sans faille : celle du pays réel à recouvrer les voies du Bien commun.

François Marcilhac