You are currently viewing L’éditorial de François Marcilhac

L’éditorial de François Marcilhac

Macronisme : Dernier avatar de l’ancien monde…

Faut-il porter son regard sur l’année écoulée, ou au contraire, n’envisager que l’avenir ? Les Britanniques peuvent se le permettre, qui viennent, en donnant une écrasante majorité à un parti Conservateur profondément renouvelé, de s’engager dans la dernière ligne droite les menant à une libération définitive du carcan européen. Ce qu’ils feront de leur liberté – une liberté dont ils avaient su, contrairement à nous, préserver des pans entiers même au sein de l’Union européenne -, ils en sont seuls juges. Nous ne ferions peut-être pas les mêmes choix et certains de ceux-ci affecteront à coup sûr notre économie, surtout s’ils renforcent encore leur partenariat avec les Etats-Unis. Mais un peuple ne doit toujours s’en prendre qu’à lui-même de ses déboires  – ou à ses dirigeants si ceux-ci l’ont trahi, ce qui est effectivement le cas, sinon avec l’euro, que les Français ont accepté en validant Maastricht, du moins avec la forfaiture du traité de Lisbonne, pour la signature duquel le pays légal n’a jamais autant mérité son qualificatif de parti de l’étranger.

Macron termine l’année aussi mal qu’il l’a commencée et ce n’est pas le seizième départ de son gouvernement – un record sous la Ve -, en un peu plus de deux ans, avec l’éviction de son M. Retraite, qui a dû le consoler. Sourd aux attentes des Français, qu’il méprise, entouré d’une caste de politiciens sans conviction pour lesquels la République est synonyme de prébendes, il ne peut même plus espérer trouver dans ses gesticulations diplomatiques l’aura qu’il n’a plus en France. Car Macron a également perdu tout crédit à l’étranger, singulièrement en Europe où il a réussi à se mettre à dos tant les pays du noyau historique que ceux de l’ancien bloc de l’est.

L’année 2019, qui a commencé et s’est poursuivie avec les manifestations des Gilets jaunes et se finit avec les grèves contre la réforme des retraites, aura donc été marquée, en France, par l’aggravation de la coupure entre le pays réel et le pays légal, une aggravation que l’année 2020 devrait encore confirmer. Les élections municipales qui sont les moins politiciennes aux yeux des Français, manifesteront toutefois, notamment dans les grandes villes, cette défiance accrue. Mais l’essentiel n’est pas là : Il est dans la prise de conscience progressive par nos concitoyens de la sécession du pays légal et de la faillite, subséquente, de nos institutions à assurer le bien commun. Tout peut arriver parce que, la magie ayant fini d’opérer, le macronisme apparaît désormais aux yeux des Français pour ce qu’il est : loin d’inaugurer un nouveau monde, le dernier avatar de l’ancien monde, sa dernière manifestation, la plus arrogante, la plus cynique, celle qui a permis à une élite totalement décomplexée de jeter bas les masques en fondant un syndicat commun, La République en marche, à partir de ce qu’il restait des forces politiques historiques. L’édifice est vermoulu : une telle prise de conscience par les Français ne pourra évidemment que provoquer une crise systémique, comme notre histoire en a le secret. 

C’est ce que l’oligarchie a compris et craint : il n’est qu’à voir comment, à chaque manifestation, le centre politique de Paris – le large périmètre autour de l’Elysée – est transformé en bunker. Il y a bien, d’un côté, le pays légal, qui se sait méprisé, voire haï des Français, et ces derniers qui, quelles que soient leurs divisions politiques, par exemple aujourd’hui sur la question de la réforme des retraites, savent que, de toute façon, la solution n’est plus du côté d’une oligarchie discréditée. Cet édifice vermoulu ne tient plus, d’un côté, que par la volonté farouche de défendre leurs petits intérêts financiers, qui agite les soutiens naturels du pays légal, et, de l’autre, que par la peur de l’inconnu qui inhibe cette partie du pays réel – les classes moyennes surtout et les petits indépendants – soumise à une incertitude structurelle et qui sait pouvoir basculer du jour au lendemain dans la précarité – ces actifs qui triment dur mais qui sont ignorés des syndicats, ce qui fait l’affaire d’un pouvoir qui joue ainsi sur la division du pays réel. 

Rien ne dit toutefois que la peur du lendemain et les ressentiments envers les «privilégiés» de la fonction publique, quand l’oligarchie se goinfre au grand jour, continueront encore longtemps de protéger une élite dénationalisée coupée des réalités des Français. La convergence des luttes ne peut être que le fruit de la convergence des inquiétudes : économiques, sociales, identitaires. Plus exactement même, c’est la convergence de ces inquiétudes qui permet aux citoyens de comprendre que la défense de leurs intérêts catégoriels passe d’abord par celle du bien commun directement menacé.  Il faut être prêt, alors, pour l’événement qui, loin de rien provoquer, n’exprime lui-même, dans l’ampleur de ses conséquences, que la crise qui couvait depuis longtemps et qui décidera de tout. Aussi serait-il imprudent de croire que nous travaillons, nous, les royalistes, pour dans quelques générations. Nous devons être prêts pour l’instant à venir, parce que personne ne connaît ni la date ni l’heure, et que le retour du Roi peut arriver plus tôt qu’on ne croit. Qui pensait à la république en 1789 ? Ce serait un crime contre les Français de ne pas être prêts.

François Marcilhac