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« Plus c’est radical, plus c’est baigné de testostérone »

Enquête sur le sexisme chez les anarcho-autonomes

Depuis les révélations d’agressions sexuelles au MJS et à l’UNEF, on sait que le sexisme n’épargne pas les organisations de gauche. Mais quid des anarcho-autonomes et autres antifas ? Leur anticapitalisme viscéral les rend-ils naturellement imperméables au machisme ? Absolument pas, d’après le Pink Bloc qui pousse un gros coup de gueule. Leur communiqué, publié fin janvier sur les sites autonomes InfoLibertaire et Rebellyon, dénonce des pratiques je-m’en-foutistes et oppressantes : refus de féminiser les slogans et d’utiliser l’écriture inclusive sur les banderoles ou les tracts, non-respect des zones de non-mixité dans les soirées… Bref, « au sein même du milieu militant, les queers et les féministes ne sont pas assez respecté-e-*-s et sont considéré-e-*-s comme des sous-luttes », tempête le Pink Bloc. C’est vrai partout et les mouvements radicaux n’y échappent pas. Au contraire, « plus c’est radical, plus c’est baigné de testostérone… », résume un militant antifasciste de longue date.

Le plus souvent, c’est l’invisibilisation qui pousse les femmes à pratiquer l’autocensure. Eva Bouillon, 23 ans, activiste afro-féministe queer, en a fait l’expérience lors des mobilisations contre les violences policières : « quand je me rendais aux manifs pour Adama Traoré, je délaissais mon côté queer ; je n’y allais qu’en tant qu’afro », se souvient-elle. « Je n’ai pas subi d’agression frontale, mais les questions de genre n’étaient jamais prises en compte. J’avais l’impression que me pointer en tomboy revenait à chercher la merde ». Pareil dans les manifs contre le racisme. À force d’entendre les slogans de la Brigade Anti Négrophobie jamais féminisés, la jeune femme a compris le message : « en fait, tout le monde s’en fout ». Fabien, 19 ans, qui se présente comme « bisexuel et militant Black Bloc », l’assure : « officiellement, les mouvements antifa sont antisexistes, mais ce n’est qu’une façade ». En manif, il entend souvent des « enculés » ou des « fils de pute » à l’attention des policiers. « C’est non seulement blessant, mais surtout inutile. Il existe tout un arsenal de vocabulaire dans lequel puiser : ACAB (All cops are bastards), enfoirés, fils de chiens… », énumère le jeune activiste, qui tient à préciser : « ceux qui lancent des insultes homophobes ou putophobes sont systématiquement repris et ceux qui s’entêtent sont dégagés ». Tout comme, jure-t-il, ceux qui tentent de décourager les jeunes femmes de faire le coup de poing dans les manifs. « C’est vrai qu’il est parfois stupide d’aller cogner les flics quand on n’est pas assez nombreu-se-s », reconnaît une autonome. « Mais bizarrement, ce sont toujours les meufs qu’on dissuade en premier… ».

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